...aussi éphémère que fragile.

Il y a eu un bruit de moteur, loin en contrebas. Vu l'heure, c'était probablement Jo qui se ramenait. J'ai balancé l'enveloppe dans la panière qui me servait de fourre-tout personnel et me suis attelé à remonter fissa le panneau arrière du secrétaire.

Quand elle est entrée dans le salon, je terminais de repositionner le tiroir.

Très rapidement, son regard est devenu admiratif et tout aussi rapidement, mon égo a pris de l'altitude aussi vite qu'une fusée à l'allumage. Pour fêter ça, nous sommes repartis aussi sec, direction Annecy et la vieille ville.

Un peu plus loin, plus tard aussi, sur la terrasse du resto, nous n'étions que deux amoureux parmi d'autres. Sans que cela nécessite autre chose qu'une petite laine, la fraîcheur de la soirée contrastait avec les volutes presque chaudes de la journée. Autour de nous, les reflets orangés et bleutés du ciel rebondissaient sur l'eau du canal, tout était parfait au creux de cette aménité. Josie parlait, agitant les bras, son regard pétillait quand je caressais délicatement sa main et je ne ressentais nul besoin d'attraper le paquet de Camel dans la poche de mon blouson. On était vraiment bien.

Et lorsque le type à la guitare s'est pointé pour nous interpréter sa version très personnelle de Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai du père Cabrel, je n'ai pas compris que j'étais arrivé au point culminant. Plus rien n'a été aussi rectiligne et dénué d'aspérité par la suite.

Et si j'avais su, j'aurais redoublé d'attention afin de jouir plus encore de ces instants. Mais on prend rarement conscience à temps que la vue magnifique des sommets est aussi éphémère que fragile...