Emois archéologiques
bleuterre
Les êtres singuliers et leurs actes asociaux font le charme d'un monde pluriel qui les expulse.
Jean Cocteau
Il me reste le souvenir de notre rencontre, nous avions à peine dix-sept ans. C'était le printemps dans cette station balnéaire de la Nordsee, en Schleswig Holstein. Je ne me rappelle plus le nom exact. Il y avait un grand soleil ce jour là. Et malgré une température un peu fraîche, j'arborai un maillot de bain rose outrancier. Je me promenais seule, sur la grève, le long des pontons, quand je vins la rejoindre. Elle était un peu plus petite que moi. Mince et anguleuse. Sa peau n'avait ou ne pouvait pas avoir pris le soleil. Elle était devant moi et je me rappelle distinctement ses longs cehveux roux sur sa chute de reins. Je suis incapable de me rappeler la raison pour laquelle je l'ai abordée. Elle s'est retournée, dévoilant un visage de renard dont le regard de jade me dévisagea.
Nous continuâmes la promenade à deux, rejoignant nos deux solitudes respectives. Elle aussi était en séjour linguistique dans la région. En fait, nous étions dans le même groupe, avions pris le même train, sans véritablement nous croiser. Elle ne fréquentait pas le même lycée.
Naturellement, nous échangeâmes nos prénoms.
Vilma était une fille solitaire, autant que moi à l'époque, sans doute. Nous en vînmes à échanger quelques confidences et nous trouvâmes beaucoup de points communs.
Pendant la suite du séjour, nous continuâmes à nous isoler du groupe... Mais à deux.
Nous pûmes, lors de notre retour en train, partager le même compartiment. Nous nous isolâmes encore du groupe, pour nous retrouver en compagnie de deux personnages passionnants : un réfugié Kurde, qui voyageait clandestinement, et une étudiante américaine en ethnologie. Je peux dire encore que le trajet est passé très vite, trop vite sans doute.
Nous nous endormîmes sur la fin du voyage, et je ne peux oublier ce moment où Vilma, fourbue de fatigue, posa sa tête sur mes genoux et s'endormit. Je ne pus m'empêcher de poser la main sur sa tête et caresser ses cheveux.
Nous nous revîmes, presque tous les week-end, chez l'une ou l'autre. Elle me montrait ses dessins, et je lui envoyais des textes.
Et puis, nous fîmes nos premières expériences de rencontres masculines, nous racontant à chacune, dans le menu détail, nos premières étreintes.
Et puis un jour, elle rencontra Karine. Elle me la présenta. Elle me la préféra. Notre relation se délita. J'en crevai de jalousie.
Des années après, je retrouvai les lettres que nous nous écrivions. Son écriture à l'encre bleue, sur des pages et des pages, illutrées de dessins.
Je cherchais alors sur les réseaux sociaux son nom. J'ai cherché à son ancienne adresse postale. Mais il n'y avait plus aucune trace publique de son existence.
Je fis un feu dans le jardin, avec des branches mortes, et jetai ces papiers, témoins d'une époque révolue.Ils dansèrent et volèrent, au milieu des étincelles, scellant à jamais cette rencontre dont l'éclosion ne dura guère que quelques saisons.
Quelques jours après, je rêvai qu'elle était déjà morte, me réveillant en sueurs avec un grand creux au milieu du ventre. Un lien était définitivement brisé.
Maintenant, je reviens de randonnée, il fait nuit. Lucile est à côté de moi, éreintée de fatigue. Elle a fermé ses grands yeux bleus, a posé sa tête sur mes genoux, toute recroquevillée sur la banquette. Sa respiration est devenue calme, plus régulière. Un léger trouble me saisit, l'image des longs cheveux roux de Vilma sur la chute de ses reins, et l'envie de goûter le sel à l'encoignure de ses lèvres.
Je ne peux pas te dire que ton texte ne m'a pas ému parce que je suis un peu bouleversée là.
· Il y a plus de 12 ans ·Mais il m'a aussi renforcé dans mes convictions que l'amour, l'amitié, ben! Pas fastoche, mais heureusement que ça existe.
Serions vraiment vivant sinon? Et pourquoi faire?
Alors moi je prends tout. Les bons et les mauvais moments.
divagations-solitaires
merci de vos lectures, les gens...
· Il y a plus de 12 ans ·oui, amitié, amour, quand c'est fusionnel, la frontière n'est peut être que la consommation....
bleuterre
une belle évocation de l'amitié, un amour qui ne se "consomme" pas mais qui est parfois si fort
· Il y a plus de 12 ans ·Id Derev
Wic, il est sympa, c'est un fan du partage. je me doutais qu'il y avait un bug quelque part!
· Il y a plus de 12 ans ·je ne me suis pas inquiétée. enfin si un peu au début, je me suis dit que la lecture le rendait frénétique et lui donnait des convulsions! ;)
Karine Géhin
Bleuterre, la honte sur moi... moi aussi je t'ai prise pour un homme à la lecture de ton premier texte...
· Il y a plus de 12 ans ·je ne sais plus sur quel texte je te l'ai dit d'ailleurs...
bon, bref, je viens de relire ton teste et j'aime encore plus la deuxième fois!
Karine Géhin
C'est très doux et bien écrit...belle histoire, Bleuterre et merci pour le partage, Wictorien !!!
· Il y a plus de 12 ans ·Pascal Germanaud
(et moi le con : Ouais !! des notifications, surement un commentaire parmi eux... ah nan ^^,)
· Il y a plus de 12 ans ·apophis
bah oui, Wictorien, pourquoi tu partages quatre fois à chaque fois ???
· Il y a plus de 12 ans ·bleuterre
5/5 !
· Il y a plus de 12 ans ·Wictorien : C'est obligé de partager quatre fois les textes, ou c'est une manière de dire à quel point tu les apprécies ??
apophis
Euhhh, Wictorien... il n'y avait rien de sexiste dans mon laconique.... "merci les filles"...
· Il y a plus de 12 ans ·Loin de moi l'idée de cataloguer "les filles à la vanille et les garçons au chocolat"...
Pour la petite histoire, quand je suis apparue sur des forums littéraires, il paraît qu'on me prenait pour un homme... pfff, de nos jours, la confusion des genres.... tout se perd...
Bon, en tous cas, oui, il s'agit plus que d'une simple amitié dans cette histoire, mais bien d'amour.
merci les gars aussi, alors, de vos lectures et coups de coeur....
bleuterre
C'est très beau, nostalgique et attendrissant, les premières amours restent pour toujours ...
· Il y a plus de 12 ans ·sophie-dulac
"L'autre est toujours un feu qu'on a laissé s'éteindre"
· Il y a plus de 12 ans ·Une très jolie évocation, Bleuterre.
Frédéric Clément
un bien beau texte en effet, et dire que je l'aurais loupé sans la recommandation de Eaven!!
· Il y a plus de 12 ans ·Karine Géhin
merci de vos lectures, les filles...
· Il y a plus de 12 ans ·bleuterre
j'aime beaucoup ce texte
· Il y a plus de 12 ans ·reverrance