Un foutu flan !

Okay... J'ai la trouille... Ben oui, toujours. Tu le sais que j'ai tellement, mais tellement la trouille. Et toi tu ris à gorge déployée. Mais tu ferais quoi à ma place toi... hein?! Tu ferais quoi? Tu ferais le flan... comme moi. Un gros flan ! Je dis oui ou je dis non. Je fais la bouche en cœur et les yeux de chats… chats siamois ; et je tire sur mes joues pour arrêter de sourire bêtement. Oh je te vois venir, tu vas me faire la morale, tu vas mettre des lumières partout en gueulant WARNING !! Mais un flan çà ne sait pas lire, çà attend bêtement… qu'on le mange, le dévore… Tu ferais quoi ? Toi, sous les cadeaux, les mots doux, les croissants au réveil, les caresses, les baisers, les balades à deux, les chandelles, les sushis dans un lit, les chambres d'hôtel, l'arrière d'une voiture. T'en ferais quoi de tout çà. Tu ferais moins la maligne si ça t'arrivait.

T'imagines, on attend çà depuis qu'on est gamine, depuis qu'on a vu Jeux d'enfants et qu'on rêve d'être ensevelit sous du béton ; figés dans l'éternité. Ah ! L'éternel qui fait sourire les pigeons. Et on finit les pieds dans la merde. Je le sais très bien, tu crois que je ne la vois pas mon armure de guerrière se fissurer. Je finis toujours à poil, tu le sais. Alors cesse de te moquer. Aides-moi, je ne sais pas moi. Dis quelque chose. Pas quelque chose que je sache déjà. Aide moi à courir, loin, achète moi des talons moi haut… parce que à sa hauteur, j'ai qu'une envie c'est me perdre dans son regard. Je louche, tu vois bien. J'y vois pas clair. De nouveau. Achète moi de plus grosses lunettes – comment ça s'est pas possible ?! Je suis daltonienne de l'amour. Je vais encore me casser la gueule et finir les dents sur le pavé. Quoi c'est pas grave, on ira chez le dentiste ; bien sûr ! C'est facile, c'est pas toi qui paye la facture. Comment çà tu joues à la petite souris, çà t'amuse ? Oui, je le vois bien que tu te marres ; doucement. Tu sais pourtant qu'on finira une boîte de mouchoirs sur les genoux… à se saouler à la vodka. A moitié nue, sur les comptoirs, une barre en fer, et un verre. Tu le sais qu'on les collectionne ; mais si cette fois c'était le bon ? Tu sais celui juste pour moi, le père de mes enfants, etc. Tu sais toutes ces conneries qu'on s'est répétée… trop de fois, t'as raison. Pourquoi lui et pas un autre, me diras-tu ? J'en sais rien, mais alors foutrement rien moi, cocotte.

On parle de moi, là. Tu sais, celle qui ne sait pas justement. Qui ne sait pas quoi faire de sa vie, de ses nuits. Qui est toujours fatiguée mais jamais couchée. Qui écoute des albums à l'eau de rose toute la journée. Qui croit voir l'amour dans un palmier et un kiosque… moi et mon putain de romantisme. Moi et mes bouquins, mes photos, mes projets qui n'aboutissent jamais. Moi qui ne sais pas où à commencer ma vie. Je vois une nouvelle histoire dans une note de service. Arrête de rire et aide moi ; je sais que toi c'est pareil. Tu crois que je te ne vois pas faire le flan, minauder pour une caresse et un baiser. On est toutes pareilles au fond, au fin fond de notre ventre. Je ne suis pas encore vraiment aveugle… j'ai un peu peur quand même. D'oublier que ça peut faire mal, de se péter les dents sur le carrelage, de tomber dans les escaliers, de perdre l'équilibre, d'être seule dans le noir… et tu sais, dans ses bras, j'oublie tout çà. Pour de vrai, de vrai, j'ai plus mal. Nulle part, ni ailleurs. Je respire et c'est son odeur qui m'endort. Oui je sais que l'amour ça pue, mais fait pas la maligne ; je sais que tu dors avec ses affaires. T'as peur aussi de dormir seule dans le noir. Y'a tous ces cauchemars qui rodent et nous ramènent, de force là où on pensait avoir tout laissé, tout oublié.

C'est çà être un flan, t'as jamais la force de claquer la porte du tiroir et de jeter la clef loin, loin. A bout de forces, tu te détruis encore avec de vieilles rancœurs… tu crois que ça changera quelque chose. Tu ne profites jamais de rien.

Moi je voulais être un tyran ; j'ai pas fait les bonnes études. Oh et puis, zut. Tu me fatigues à rire ; je le sais que je me plains tout le temps. Toi et ton regard malicieux, de celle qui sait tout. T'en a pas marre d'être plus vieille et d'avoir déjà dit non à tout çà. Apprend-moi plutôt ! J'en ai marre d'être un foutu flan !