Franchi le seuil

Susanne Derève

 

 

Pousser la porte   la main tremble

Franchi le seuil

le pas hésite   enjambe l'unique marche usée

 

On ne sait  rien des années

de ces heures érodées

comme les sédiments d'une très ancienne histoire                                      

muets    

enténébrés  d'absence        

 

La pièce respire encore de la pénombre  

du silence

à peine un souffle   serpentin ondoyant dans les filets

de la mémoire

les housses blanches  et la lumière blonde

sur le chevet terni   révélant la poussière         

un éternel Dimanche                              

le dernier grain de vie             

 

 

Dans la frêle réverbération  du miroir 

discerne-t-on encore l'écho d'une présence                                

moins qu'une étincelle

un voile  masquant la  brume lumineuse d'été

- et lorsqu' elle se déchire on est presque étonné 

d'y voir percer le ciel

d'un doux bleu de faïence

d'un vide de dentelle ou de pierre

un chapiteau roman

un cimetière champêtre  dormant

à flanc de crête

embrassant la vallée indolente d'un œil aveugle

compassé -    

 

Alors  on    referme la porte  doucement

- on  prend soin de ne pas soulever  la poussière -

Peut-être les vieilles souffrances implorent-elles

seulement une prière

pour mourir au matin    on les couche

comme on irait le faire d'un enfant  chagrin

 

On n'est venu chercher ce que la vie porte de deuil

que pour aller en paix  suivre d'autres chemins    



Illustration : Paul Klee (Interior Architecture) 1914

 

 

 

 

 

 

 

  • Dépasser le seuil... Ajouter des barreaux aux échelles, que c'est bon à lire !

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Wp 20161116 13 53 20 pro

    douxfoutropforever

    • merci, alors continuons à ajouter patiemment des barreaux ..

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • Très beau !

    · Il y a plus de 5 ans ·
    1338191980

    unrienlabime

  • C'est très très beau, et très émouvant! Merci Susanne pour ce poème qui me parle beaucoup.

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Coucou plage 300

    aile68

    • et merci pour ce commentaire qui me donne le sentiment d'avoir pu partager quelque chose

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • Beau !!!

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Img

    Patrick Gonzalez

  • comme se consument les heures...

    --

    S'il faut laisser passer les heures ;
    ce sont des images fugitives,
    elles se consument, comme du papier qui brûle,
    et il n'en reste rien.
    Même pas un peu de cendre.

    Alors, justement où est l'empreinte,
    d'où peut naître la future lumière ?
    Il faut que je la creuse,
    que j'y dépose des paroles,

    que je sème quelque chose
    pour marquer ce qui passerait
    pour un désert,
    fertiliser le temps
    d'un poème, avant que le jour ne s'éteigne .

    Certains diront que je n'ai pas vécu pour rien.


    -
    RC

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

    • Que te répondre à toi
      qui sème inlassablement les mots
      pour fertiliser le temps
      qu’on écrit pour soi irrépressiblement
      pour combler le vide
      et qu’il n’en restera rien de plus que
      de nous
      (ces livres que tu sauves du rebut et dont
      tout le monde se fout … sauf nous)

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • merci à RC (réflexe bêta : cette pensée sera mise de côté...)

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Autoportrait(small carr%c3%a9)

      Gabriel Meunier

  • Un texte plein des fantômes qui nous hantent , ou nous hanteront, et qui ne doit laisser personne indifférent.

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Photo 1 orig

    Alain Balussou

    • merci beaucoup (disons seulement à nos fantômes de ne pas faire trop de bruit)

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • Un texte tout en délicatesse où les souvenirs affleurent...petites touches sur le miroir, housses blanches, poussières sur des dimanches...
    A relire pour le déguster encore.

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • merci une fois de plus de tes lectures et de tes encouragements

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • Cette nuit (je ne dormais pas...) et je revoyais quelques les seuils que j'ai franchis... Il y a toujours des frontières, même si les modernistes veulent nous faire croire le contraire ; mais ce n'est pas grave. Les grecs passaient de l'autre côté du Styx... Le pays des morts est différent, c'est tout et c'est beaucoup. Faut-il vivre ces instants comme des drames ? Peut être dans leur formidable unicité certainement ; mais une vie éternelle, vitrifiée pour les "siècles des siècles", me parait épouvantable. En tous les cas tu as vécu un moment de grâce, et bien sûr c'est plus facile de tourner la page d'un livre.
    Le jour se lèvera dans une poignée d'heures... Que cette aube te soit sereine !

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Autoportrait(small carr%c3%a9)

    Gabriel Meunier

    • vrai qu'il y a des seuils à franchir pour trouver la paix et qu'il y faut parfois des années . Des drames parfois, des séparations surement qu'on s'est préparé à accepter depuis longtemps mais ça n'empêche pas le sentiment de perte...
      Qu'est ce que je peux te souhaiter d'autre que de bien dormir cette nuit !

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • j'ai bien dormi... en me levant deux fois pour ouvrir au chat qui dort sur notre lit ! on ne lui en veut pas... certains diraient "inconstance"... je pense qye c'est un besoin de participation, d'ubiquité...

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Autoportrait(small carr%c3%a9)

      Gabriel Meunier

    • tous les poètes aiment les chats ... et mon chat me réveille aussi :)

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

Signaler ce texte