Intérieur, femme en bleu fouillant dans une armoire ~ Zélie.

lilii

A partir d'une oeuvre de Félix Valloton.


               « Zélie ! Ils l'ont retrouvé, elle est vivante ! »

   Oscar haletait. On entendait sa poitrine siffler d'effervescence, ses joues moites s'empourpraient au fur et à mesure qu'il eut l'impression que le sol ondulait sous ses pieds, à tel point qu'il fut contraint de s’asseoir pour s'imprégner de nouveau de la réalité.

      Zélie sortit machinalement de son lit, ouvrit lentement les volets, puis sans un mot et sans un regard pour Oscar, ouvrit la porte de l'armoire pour y dissimuler sa figure figée.

   Sa chambre sentait les médicaments, l'alcool et l'obscurité. Trente ans qu'elle s'engouffrait petit à petit dans un désespoir mortifère.

                « Zélie, il faut y aller! Elle t'attend ! »

      Zélie restait prostrée dans l'encadrement de l'armoire. Momifiée, sa longue robe bleue layette ornée de dentelle en encolure lui donnait l'allure d'une poupée désarticulée. Elle tenait à peine debout comme suspendue par des fils imperceptibles.

                 « S'îl te plaît, habille-toi.»

     Zélie parcourait du regard tous ses carnets de notes qu'elle avait amassé durant toutes ces années. De grands carnets remplis de coupures de journaux, de croquis et de plans divers. C'est dans ses cahiers qu'elle avait réussi à archiver toute sa détresse. Une détresse classée, quasi collectionnée.

    Au départ, elle l'avait cherché géographiquement, ratissant les champs, les rues, les forêts, errant dans les rues jusqu'à tomber d'épuisement.

       La nuit, ses voisins l'entendait rugir de désespoir tandis que, comme une bête blessée, elle passait ses journées dans l'obscurité la plus profonde. Elle n'avait plus quitté cette chemise de nuit depuis cette nuit d'octobre, comme si elle avait voulu laisser intactes les circonstances, figer l'attente dans l'éternité et laisser ainsi le plus de chance à sa fille de revenir.

     Zélie ne bougeait pas. Oscar, l'a dévisageait. C'est comme si elle avait vieilli presque instantanément : ses cheveux filasses deshabillait son crâne, ses rides semblaient presque poussiéreuses et un instant, il pensa voir un spectre, comme si elle n'existait définitivement plus.

                 « Dis quelque chose... »

     Doucement, sa tête s'affaissa comme comme si elle avait voulu s'engouffrer dans son armoire à souvenirs.

                 « Zélie ! Bon sang, il faut y aller ! »

      Les mains de Zélie se mirent à trembler. Puis, le bleu de sa chemise de nuit, fusa soudain en un rouge flamboyant. Un rouge qui lui rendait presque la vie.

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