IVG

Alexandra Bitouzet

Elle a profité d'un pont pour son IVG. Ça tombait bien, elle n'a pas été obligée de poser de congés. Surtout que son employer, cette absence, ça l'arrangeait pas trop. Il lui avait dit, d'ailleurs, sans passer par quatre chemins. Elle, ça l'a à peine choquée, elle avait d'autres chats à fouetter. C'est après, en y repensant, qu'elle s'est dit qu'il manquait pas de culot, le con ! Quelques jours avant, une sage-femme lui a dit qu'elle était à neuf semaines, que ça se passerait par aspiration. Elle lui avait même fait entendre le bruit de son bébé, son petit coeur déjà formé qui battait dans le sien. C'est son mari qui préférait qu'elle ne le garde pas et il a réussi à la convaincre de le faire passer. Elle avait rendez-vous vers onze heures trente, elle a fait comme on lui a dit, elle est restée à jeun, pour l'anesthésie et les éventuelles complications. Quand elle s'est pointée, la sage-femme s'était transformée en infirmier, beaucoup plus poilue, beaucoup moins douce. Il lui a dit qu'elle était à cinq semaines, qu'elle l'avait bien cherchée, qu'elle avait qu'à se protéger. Elle n'a pas trouvé ça sympa, mais encore une fois, elle avait d'autres chats à fouetter. Elle pensait que dans quelques heures, tout ça, ça serait terminé. Mais l'Homme a décidé que non. Finalement à cinq semaines, ça pouvait se faire autrement. Alors il est allé chercher une petite boîte de comprimés, en laissant la porte ouverte sur la salle, son cul nu et une photo noir et blanc de son bébé, bientôt mort. Il est revenu, avec le sourire de ceux qui ne savent pas. Ou de ceux que ça arrange de croire qu'il y a sur terre des êtres plus abjects qu'eux. Le docteur voulait la voir, quand elle les avalerait. Parce qu'ils coûtaient quatre cents euros pièce, quand même. Le prix de la mort de son bébé. Deux fois quatre cents, ça fait quand même huit cents euros ! Regarde comme ça s'avale, un bébé qui meurt dans un ventre chaud. Il lui a donné deux autres cachets, ceux-là coutaient un centime, il lui a dit qu'elle pouvait les prendre chez elle, vers onze heures trente, quarante huit heures après. Qu'elle allait avoir bien mal. Bien bien mal. Que si ça saignait de trop, elle n'avait qu'à appeler les pompiers. Il lui a dit au revoir, et puis après ça, rien d'autre. Elle est repartie avec dans sa main les petits comprimés à un centime chacun qu'elle serrait très fort.

Les deux premiers allaient arrêter le cœur de son bébé, dans pas très longtemps.

C'était de toute façon déjà trop tard pour qu'elle change d'avis.

  • Texte terrible et douloureux. Il y a des médecins ignobles qui ne savent pas le sens du mot "empathie". Comme le dit Marie Cornaline, le rôle du corps médical n'est pas de juger, mais d'aider. Ils ont tous prêté un serment pour cela.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

  • Il y a vraiment des gens atroces et d'ailleurs le corps médical ne devrait pas juger et encore moins punir. Déjà qu'avorter est traumatisant, comment peut on se comporter de la sorte ? Je ne sais pais si ce texte est vécu ou fictif, mais je sais par témoignages (j'ai eu la chance de ne jamais avoir à le faire) que ça ce passe souvent de façon similaire à ton histoire. En tout cas c'est très bien écrit.

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    Marie Cornaline

  • Touchant et très bien écrit comme d'hab.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Gif hopper

    Marion B

  • Beau texte! Touchant.

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    Lilya Saude

  • Beau texte, qui rappelle la fragilité des femmes face à ce corps qui peut porter la vie. Merci.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Default user

    sanka

  • Merci mesdames et bravo à vous... J'espère ne pas avoir remué de trop douloureux souvenirs...

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Phil faisy

    Alexandra Bitouzet

  • Je l'ai aussi vécu mais j'ai du avaler les comprime devant le toubib a l'hôpital. Je suis tombée enceinte car j'allaitais ma fille. L'allaitement est un contraceptif naturel mais efficace a 98 % . Je suis tombée dans les 2% d'erreur.

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    blanche-dubois

  • Le sujet est si sensible. Et certaines personnes du corps médical si abjectes. C'est déjà un déchirement, ça doit être terrible de rentrer chez soi après ça. Bravo

    · Il y a plus de 10 ans ·
    V  82bd

    Isabelle Leseigneur

  • Je l'ai vécu mais n'ai jamais pensé a écrire dessus. Alors merci pour ce texte au sujet délicat...

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Unnamed

    Mélanie Courtois

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