je t'aime et c'est tout.

Marie Eve Brassard

Je t’aime et c’est tout. Ça n’ira pas plus loin. On arrête ici. Fin d’une histoire qui n’a pas commencé. Et qui ne commencera pas. Parfois, on est seule par choix. Parce qu’on l’a décidé. Parce qu’un matin, on s’est réveillée écœurée d’y croire. Écœurée de rêver. Écœurée de pleurer, toujours la même histoire.

Je t’aime et c’est tout. Ça n’ira pas plus loin. Parce que je sais qu’un jour, je cesserai de sourire en pensant à toi, de me maquiller en attendant notre rendez-vous, de frissonner en frôlant ta main. Qu’un jour, j’oublierai d’appeler pour t’aviser de mon retard. Qu’un jour, tu ne voudras plus m’accompagner au cinéma parce que mon film est trop léger, trop français, trop triste, trop fille. Parce qu’il ne contient ni monstre, ni mitraillette, ni sang, ni Sylvester. Et on soulignera notre sixième mois.

Parce que je sais qu’un soir, contrairement à tous les autres, j’enfilerai un pyjama pour aller au lit. Le plus vieux. Le plus laid. Je préfère dormir en pyjama, je ne te l’avais jamais dit ? Ce soir-là, je passerai des heures à me retourner à tes côtés, incapable de dormir. Parce que tu ronfles. Et au réveil, peut-être qu'on fera l'amour... Oui. Peut-être. Après s'être brossé les dents.

Et on soulignera notre troisième année. Chéri, demain j’ai réservé le resto pour notre anniversaire. Euh… ah. Oui bien sûr, notre anniversaire. À quelle heure ?

Parce que je sais que les compliments s’éteindront lentement. Que si je veux des fleurs, je devrai te les demander. Que je dirai désormais je t’aime en premier. Que tu oublieras de me tenir la porte. Que le magasinage, c’est tellement long pis ennuyant. Que mes amies sont ben fines... mais pas trop souvent. Qu’un jour, peut-être, tu voudras des enfants. Qu’un jour. Peut-être. Quand je serai vieille. Quand tu seras grand.

Parce que je sais qu’un matin, tu partiras sans m’embrasser. Banal oubli d’un homme pressé. Parce que je sais qu’un matin, tu partiras sans m’embrasser. Et qu’à partir de ce matin-là, il n’y aura plus rien à souligner

On arrête ici ok ? Fin d’une histoire qui ne commencera pas. Parce que je sais que je t’aime. Et c’est tout.

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