Jeanne, si tu veux
jeanmichemuche
Il est des conversations galantes qui sont sans mystère. Elle puent tant le désir des deux opinants que rien plus ne peut se mettre entre leurs organes et empêcher le coït conclusif.
Le clap est imminent, nous passerons à l'horizontale dans quelques phrases. Le baratinage a pris comme un ciment bien mouillé.
C'est où nous en sommes, Jeanne et moi, dans la touffeur de la salle de gavage de Chez Georges, quand cette histoire commence.
Elle dit que j'ai de l'esprit, mais elle pense que je sens le mâle érotisant. Je dis que la fréquenter est un plaisir, mais je pense que ses reins épouseront pas mal mon bassin sous peu, dans une des chambrettes surplombant l'estaminet. C'est fou le talent qu'on a pour causer sans rien dire quand on se plaît. J'en connais capables de rouler les thèses et antithèses pendant deux heures sur un sujet dont il se contre-cognent pour essayer de garder l'attention d'une belle femme.
On arrive cahin-caha au bout de nos entrecôtes. On se demande tous les deux en secret si on osera faire encore attendre nos libidos en commandant un fromage-café ou si le sujet est tant entendu qu'il s'agit de passer direct au ring matelassé.
Je vais pour dire à Jeanne que je songe à son cul si fort que j'ai peur que ça me pète des synapses, quand mon attention est attirée par un manège discret qui se déroule autour d'une table située à une dizaine de mètres de la nôtre. Il est des flics capables de mettre en berne leur instinct. Pas moi. Quand ça flaire le crime, je ne peux pas lutter, j'abdique illico.
Ici même, dans ce restaurant grand, gras, bondé et jaune dans lequel je sieds pour le plaisir de la galanterie, je sens bien que je m'apprête à faire faux bond à Jeanne, à reporter nos ébats aux calendes. Je vois dans ce qui se trame des indices de cazin susceptible d'intéresser les nobles services du maintien de l'ordre dans la République.
Je crois que Jeanne sent venir la rebuffade. Elle tente de s'y opposer en tirant un grand coup sur son décolleté. Découvre ce faisant une faille sismique inter-mamaire au fond de laquelle il doit nager des espèces de poissons non référencées. Ses seins impressionnent mon cortex, impliquent une réaction brusque dans mon entrejambe dont il doit sortir un peu de fumée.
Mais mon cerveau est tailleur, déjà. Je mets au point sur le jeune couple, à table. Ils viennent de recevoir la visite d'un homme qui reste planté devant eux. Il a tendu à la femme assise une enveloppe jaune contenant un document. La femme a consulté le document en question, l'a remis dans l'enveloppe et lui a rendu.
Elle a fouillé son sac déposé à ses pieds, en a sorti une pochette de cuir noir ressemblant à un plumier d'écolier, qu'elle a donné à l'homme. Celui-ci a salué discrètement et s'est fait la belle par où il était venu. C'est-à-dire par la grande porte à double-battant qui orne la façade de Chez Georges.
L'homme venu présenter un document portait une tenue de cuir noir, pantalon et veste, avec des bandes blanches courant sur chacune des manches. Je me trompe parfois sur les types que j'ai une minute pour examiner, mais j'ai souvent raison quand même: le renflement dans le bas de sa veste de cuir était une arme à feu accrochée à sa ceinture.
Sa façon de marcher trahissait un effort assez important pour cacher un boîtement du pied droit. Une de ses mains, la gauche je crois bien, portait un gant de la même couleur que ses vêtements. Il a tendu l'enveloppe de la main droite, l'a reprise de la même, glissée sous son aisselle gauche et a saisi le plumier de sa main droite. Autrement dit, tu l'as bien compris cher lecteur avide de détails constitutifs d'indices imparables, il ne s'est pas servi de sa main gauche.
Je ne peux pas m'en empêcher, il faut que je déduise. C'est ce qui arrive aux esprits brillants. Ils ne peuvent pas se retenir de turbiner. J'aimerais passer un jour dans la peau d'un con, pour voir ce que ça fait. C'est sûrement plus reposant que de vivre avec un processeur Pentium cent mille en guise de cerveau !
Heureux les footballeurs, les chanteurs de variété et les douaniers qui profitent de la quiétude d'une vie sans penser. On croit qu'ils souffrent d'être dotés de la capacité de raisonnement de la grenouille à grosse bouche, mais non ! La quantité de soucis avec lesquelles doivent dealer les simples est proportionnelle à leur capacité de réflexion. Quasi-nulle.
Biche un peu le confort d'une vie sans circonvolutions, sans conséquences, sans énigmes.Comme l'escargot, ils bouffent des mouches à longueur de journée en rampant sur leur traîne visqueuse en direction de nulle part.
Ô le confort décroissant et serein de l'âme vide. Je déduis donc que le type en cuir vient de chuter ou de se battre et qu'il s'est blessé à la main gauche. Que son action faisait l'objet d'un contrat avec la femme à table. Et qu'il est venu lui montrer la preuve de l'exécution d'icelui grâce au document. Une fois montré, il a reçu dans le plumier, le paiement convenu avant de mettre les bouts.
Comme je vis dans un monde cruel et violent, je songe qu'il est question d'homicide, de tuerie à gage et de haute société. Et que ça va être pour moi.
C'était il y trois mois !!! Qui est mort?
· Il y a plus de 10 ans ·nyckie-alause
"couillu" c'est le terme parfait ! Je suis pas très policiers, mais j'ai bien envie de lire la suite :)
· Il y a plus de 10 ans ·nuances
Voilà une amorce très réussie, avec un véritable style, personnel et riche, un texte qui donne envie de découvrir la suite !
· Il y a plus de 10 ans ·luz-and-melancholy
Je suis d'accord avec les commentaires précédents: belle mise en bouche! Il nous faut la suite maintenant!
· Il y a plus de 10 ans ·bathilda
Vos désirs sont des ordres. Je m'y colle dès que les mes filles seront à la sieste ;-)
· Il y a plus de 10 ans ·jeanmichemuche
La suite !!!!
· Il y a plus de 10 ans ·Marion B
Merci Marion. Cette amorce traîne sur ma machine depuis quelques mois. J'ai laissé la suite dans ma tête. Votre encouragement me pousse à faire courir encore quelques chapitres. J'ai bien fait de venir !
· Il y a plus de 10 ans ·jeanmichemuche
Pas mal du tout l'amorce, je dirais que le roman policier n'est pas mon genre de prédilection, mais devant la fluidité et le sens de la formule, je vais suivre cette affaire avec attention.
· Il y a plus de 10 ans ·hel
Merci beaucoup !
· Il y a plus de 10 ans ·jeanmichemuche
très drôle!
· Il y a plus de 10 ans ·audrey83
merci !
· Il y a plus de 10 ans ·jeanmichemuche