Jeune fille cherche la guerre
Nathan Noirh
Chère inconnue,
Je vous ai suivis. C'était plus fort que moi. Elle a agité ses cheveux d'un mouvement de main si insolent ! Je me suis senti envahi par une force familière je n'ai pas pu résister. Toute la matinée, la journée, la semaine, j'étais derrière vous. Vous étiez si belle, si enivrante, tout de noir vêtue. Un amour vibrait à votre insu, le long de vos avenues. J'étais fou de vous, de vos bas, de vos mains, de votre vie. Je ne la connaissais pas, je ne savais rien d'elle. Et je ne sais toujours rien d'ailleurs. Mais pendant toute son escapade, talonné par mon avidité, j'ai tout su de sa vie. Elle se retournait, je me cachais. Elle s'arrêtait parler à une connaissance, j'engageais la conversation avec des inconnus. La première fois c'état rue St Catherine. La jeune fille au chapeau jaune m'a tapé dans l'oeil, immédiatement suivi par la vague électrique des sentiments indécents. Je me suis retourné, pour me rapprocher d'elle un peu, sentir son odeur. Puis j'ai continué à marcher dans son ombre. Un pas après l'autre, je n'arrivais pas à m'arrêter. Je me suis rapproché sinueusement parmi les personnes présentes pour ne pas attirer l'attention, j'ai pu délecter mes narines de son odeur... Oh si vous saviez l'odeur qu'elle dégageait. Un parfum d'abricot marié aux effluves du sel de mer. Et elle ne se doutait de rien. Ma présence, mon pêché. J'ai continué à la suivre toute la journée, les mains dans les poches, la clope au bec et mon chapeau de paille enfoncé sur les oreilles. Le dos voûté, je suivais les mouvements désormais coutumier de ses hanches provocantes. Je me racontais des trucs. Pas sexuel non, plutôt du genre concernant sa vie. Avec son chapeau jaune et son jean clair, je l'imaginais venir de la campagne. Une de ces bonnes filles de familles qui triment, elle a sûrement passé la moitié de sa vie en pensant que le monde se résumait aux champs d'à côté, et que la télévision qui passait sur 6 chaînes le soir diffusait des images surréaliste, et n'était qu'en fin de compte, qu'une boîte magique de divertissement. Je la voyais marcher le soir quand le soleil se couchait, une brebis dans les bras, apprécier la chaleur du soleil qui s'éteint progressivement, le vent qui porte avec lui les futures graines du printemps. Elle a probablement été amoureuse d'un garçon, celui qui attire toutes les filles, celui qui parle bien, haut et fort. Le garçon prometteur du village. Et comme les autres, elle est tombée sous son charme, et une fois sa virginité envolée et volée le temps d'une escapade dans la grange, lui aussi s'est envolé. Quel salaud.
Elle a grandi cette nuit là, et s'est promise de ne plus jamais tomber amoureuse d'un garçon selon sa voix et son apparence physique. Elle s'est mise au défi d'aller plus loin, plus haut, de se venger des hommes. Et qui mieux que les hommes de la ville pour se venger ? Ils sont tellement arrogants et imbus d'eux-mêmes. Moi je continuais de marcher dans ses pas, m'imaginant tous les plans qu'elle avait pu mettre en place afin d'obtenir sa vengeance. Sûrement une dure à cuire maintenant, capable de se défendre, de se battre, assez intelligente pour moucher un homme, et assez forte pour ne pas se laisser faire. Quel magnifique bout de femme. Un soir, je l'ai suivi jusqu'à son appartement place des Chartrons. Un appartement et son balcon en pierre l'attendait. J'ai grillé une cigarette, le dos et un pied au mur en face de son appartement. J'imaginais son intérieur. Les maigres possessions qu'elle avait dû amener de sa maison d'enfance, les grotesques souvenirs de son amoureux déchu, comme une promesse de ne jamais abandonner. J'ai jeter ma cigarette dans l'air et j'ai tracé ma route. Le lendemain matin, j'étais de retour à la même place, une nouvelle clope au bec. Et elle est sortie. J'ai repris ma route à ses côtés, les mains dans les poches, les yeux rivé sur son dos. Elle avait probablement été battue jeune fille, elle semblait souffrir d'une difformité au niveau des omoplates. C'était devenu ma routine. Toute une semaine j'étais derrière elle, sans jamais lui parler ou lui adresser un signe. C'était mon inconnue. Mon imagination et ma curiosité m'emportait toujours plus loin, toujours plus près d'elle. Je mourrais d'envie de rentrer dans son appartement, d'ouvrir les fenêtres de son balcon, de dormir dans ses draps, de me couler un bain. De la regarder dormir, assis dans cette chaise en bois qui balance comme je le soupçonnais dans un coin de sa chambre. Je voulais la voir se préparer à manger, je la voulais voir avaler son pauvre repas tout en songeant aux affaires noires qui animaient son coeur et son âme. Seulement voilà, un soir tout a changé. Cela faisait plusieurs jours que j'étais devenu son amant des ruelles sombres, quand je l'ai vue rejoindre un homme. Elle l'a embrassé sur la joue, une main sur le bras, un pied relevé en arrière. Ils ont dîné dans une petite épicerie italienne, celle qui est trop petite pour être populaire, mais assez grande pour emprisonner votre coeur à vie. Lorsqu'elle sort en titubant de l'épicerie, je m'imagine les litres de vin italiens qu'ils ont dû ingurgiter, elle dans l'espoir d'être plus confiante, lui dans l'espoir de sentir sa chair et son souffle implorant les va-et-vient de cet homme si élégant. Elle prends le pas, l'amenant vers elle en lui tirant les mains. Elle l'emmène. Mais pas chez elle. Elle presse le pas, tire encore plus ce garçon plein d'alcool. Je presse aussi le pas, de peur de perdre la suite de la scène et de la soirée. Au détour de plusieurs ruelles, je les ais perdu. J'ai tourné en rond, rien. J'ai entendu un bruit sourd au loin. J'ai continué à chercher, rien.
Je suis rentré bredouille, toujours les mains dans les poches. Je suis passé par la petite place où elle habite, histoire de. Je shoot dans un caillou de mon pied effronté, et grille une cigarette en douceur. Je regarde son balcon en pierre. Elle est là. Et elle me regarde. Elle me sourit. Plusieurs secondes s'écoulent. Et elle finie par rentrer chez elle. Les volets s'abaissent et descendent, laissant apparaître quelque chose. Au bout d'un moment, j'ai reconnu des lettres, des mots : "Tu es le prochain."
Ce soir là, la ville à fait état de la disparition d'un homme. Probablement tombé dans la Garonne, ivre. Probablement.
Jeune fille cherche la guerre.
Petit bug sur le début qui part en lettre à l'inconnue et qui finalement dévie sur un truc que tu nous raconte.. A PART CA: j'ai adoré.
· Il y a environ 10 ans ·dreamcatcher
Merci pour ton commentaire :).
· Il y a environ 10 ans ·En vérité, c'est fait exprès ce "bug". Je ne voulais pas que ce soit une histoire raconté par un auteur en herbe (moi), mais raconter par le personnage lui même. Je l'ai vécu comme un homme qui jette ses pensées d'un trait, sans réfléchir à un chemin précis typique de nouvelle, mais un principe plus aléatoire et plus "vrai".
Nathan Noirh
D'acodac! :) ça ne retire en rien le coup de cœur!
· Il y a environ 10 ans ·dreamcatcher
J'ai un mini-blocage sur le style, quelques maladresses à mon goût. La chute est superbe pour une nouvelle policière très courte.
· Il y a plus de 10 ans ·Kazan Fuurin
J'ai beaucoup aimé ton texte! Je ne m'attendais pas du tout à cette fin et j'en ai été ravie :)
· Il y a plus de 10 ans ·louzaki
Merci beaucoup pour ta lecture ! ;)
· Il y a plus de 10 ans ·Nathan Noirh
Très beau texte Nathan !
· Il y a plus de 10 ans ·mark-olantern
Merci beaucoup ! ;)
· Il y a plus de 10 ans ·Nathan Noirh
j'adore.... c'est soutenu et rythmé.... ca prend aux tripes... continue !
· Il y a plus de 10 ans ·cerise-david
Merci !
· Il y a plus de 10 ans ·Nathan Noirh
J'ai beaucoup aimé ton langage, l'histoire est originale, et les expressions sont fortes. j'ai adoré:" la vague électrique des sentiments indécents!" Quelques fautes d'inattention sont à noter, mais rien de très grave. Bravo
· Il y a plus de 10 ans ·jasy-santo
Merci beaucoup pour votre lecture et vos avis. Je vais faire attention ;).
· Il y a plus de 10 ans ·Nathan Noirh
Voilà l'explication des noyés de Bordeaux!!!! Brrrr!!!!
· Il y a plus de 10 ans ·vividecateri