Jusque dans ma bouche

On s'est parlé sur un bout de trottoir entre deux parkings, sa grande vie, la mienne.

Petite.

Je suis rentrée plus pareille, pleine d'amer dans la bouche à me dire : «  et si ».

Sans savoir.

J'ai fait le trajet comme ça, laissant la brume d'hier coincer mon souffle et soulever de pénibles hypothèses, les kilomètres avaler mes avions de papiers jamais envolés, à me gueuler des rêves et à me raviser.

Je me suis dit que finalement il s'en passait des choses, mais surtout à côté et qu'entre déprime et excitation il n'y avait qu'un pas, que parfois il suffisait seulement de mettre un pied devant l'autre.

J'ai roulé, roulé plus loin, dans l'éventualité, pour perdre les tics des matins sans rien et pour l'exception sans doute.

Ne m'attendre à rien.

Je me suis arrêtée dans une crêperie, dans ce village qui ne ressemblait qu'à lui-même, seule dans le restaurant j'ai écouté l'huile s'emballer sur la poêle chaude, l'huile qui crépitait et s'éclatait dans mon cœur, ça sentait les dimanches en famille de la cuisine jusque dans ma bouche.