La boîte à couture

lisanne

LA BOITE A COUTURE

J’ai cent cinquante ans suis en cèdre, en chêne et bouleau et c’est  Georges Boulle qui m’a dessinée, a choisi les différentes essences qui me composent. Ton aïeule, qui m’a voulue avec deux étages de casiers pour mieux ranger bobines et échevaux à broder et tous les accessoires, était une fine brodeuse, couturière et experte ravaudeuse.

Au fond de la boîte elle y rangeait les boutons bijoux, les  bouton-pression et boucles de ceintures en nacre, en ébène ou métal doré ou argenté. Toute la rangée de fils de soie du blanc au noir en passant par le vert émeraude, le bleu azur et le rouge bobinés sur des petits cartons roulés de chez DMC.

Dans le premier étage honneur aux écheveaux de cotons et laines à broder pour les travaux en cours. J’ai ainsi participé à la réalisation de la grande nappe blanche en points richelieu et jours de Venise, aux coussins du canapé au point de croix en laine, celui des cerises, des fraises, oranges enfin toute la série. Il me reste toujours une large gamme de tous les coloris toujours aussi frais que neufs.

L’étage du dessus est consacré au plus commun fils à coudre variés, à faufiler, laines à raccommoder, fils passés dans la cire pour coudre les boutons, dés à coudre aiguilles de toutes sortes, même arrondies à matelas, boutons de nacre pour chemise d’homme, ciseaux toujours les mêmes, crochets, élastiques pour petite culotte et gros grain.

Cet air triste et parfois rêveur, respectueux quand tu fouilles dans mes étages je le vois, je sais que tu penses à ta grand-mère qui s’en ai si souvent servie. J’aime beaucoup ta façon de tout ranger à sa place après usage. Rien ne pouvait me mettre de plus mauvaise humeur que les doigts d’enfants qui mélangeaient tout au point de ne plus pouvoir fermer le couvercle, c’était au point que je m’y mettais aussi et retournais ce qui était resté rangé.

Je vais te dire ; ta grand-mère Barbara c’était pour essayer de raccommoder son cœur déchiré, effiloché par la perte de deux de ses garçons à la guerre, qu’elle s’obstinait à coudre, à rassembler même à faire des patchworks. Les nappes et les draps qu’elle ornait de guirlandes de marguerites, de boutons de rose, des chiffres de la famille, c’était l’acharnement à enjoliver sa vie. Son obstination à coudre et à broder c’était l’espoir de pouvoir embellir la vie de réparer les dégâts de la guerre, souvent aussi de la vie en famille.

Il faudrait que je dise à mes cousines, celles qui restent, combien je leur suis reconnaissante lors du partage de m’avoir laissé avec l’armoire peinte cette belle boîte à couture marquetée. De grand-mères à petites filles elle a traversé les âges en gardant de chacune un climat, un parfum la tentative d’être un porte-bonheur et une source d’inspiration.

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