La fille du Parc Monceau

selig-teloif

Matin. Un ciel gris de plus à contempler. Une nouvelle matinée à dérouler ma peine, à traîner ma misère le long des trottoirs rectilignes jusqu'aux portes glacées de ma société capitalistiquement efficiente, à choper la zone attitude toute une sale journée de labeur et éteindre et rallumer et à nouveau éteindre et rallumer les idées enfouies en moi qui pourraient, au plus fort de leur incandescence, faire acheter, à la mère de famille bien apprise, un sac de couches à 0,26 € pièces plutôt que 0,25 € pièces sous prétexte qu'il en y a plus dans le premier et que c'est donc plus pratique sur la durée ...

Putain j'aime pas la pub et aujourd'hui comme hier et malheureusement comme demain, 84 % de mes neurones vont passer 8h à trouver la bonne formule qui fera que toi la femme qui vient de me croiser et toi l'homme qui me suit depuis 2 rues, tu mangeras de ce bon pain blanc à peine industriellement modifié pour ton quatre heure.

Et toujours ces mêmes trottoirs qui me rappellent désespérément la ligne tracée de ma pauvre existence... Je remonte le boulevard de Courcelles et je me dis que je ne vois que le noir de l'asphalte, le flétrissement des écorces d'arbre, les traînées fumigènes et suffocantes des parisiens coquilles. Et ces mêmes indicibles nuances grisâtres rejoueront leur danse ce soir jusqu'à la solitude de mon appartement cossu des Batignolles.

Y'a des matins où je préfèrerai être la nuit. Seul. Mais endormi.

Peut être faudrait-il changer de métier, trouver une femme, acheter un chien et un chalet en face du Normandy.

Je vais traverser la parc Monceau et je m'imagine artiste. Peut être pas une star, il y a en a déjà tellement ... tellement de chanteur de douche, de peintre retraité, d'écrivains sur blog, je n'y aurai pas ma place. Tatoueur, pourquoi pas. Changer mes trottoirs horizontaux en biceps et chute de reins chaloupés et y tracer ma misère.

De la calligraphie sur peau acnéïde ! Voilà ce qui changerait ma vie.

Je suis dans le parc Monceau. Je lève la tête parce qu’à certain moment de mon parcours c’est nécessaire.

Elle arrive en face de moi, un baladeur dans les oreilles. D’ici, je ne vois qu’elle, le bleu de son manteau, le rose de sa peau, le rouge de ses lèvres. Je crois que ma vie vient de changer..

Je voudrais être nulle part sauf ici à lui tatouer Je t’aime en chinois.

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