La forêt

Stéphan Mary

Un harmonica. Des sons de ci de là, à la lisière de la forêt. Elle s'ouvre généreuse afin de te faciliter le passage. Tu avances puis tu te stoppes pour réfléchir. Juste te poser l'espace d'un instant sur une grosse branche qui saille à peine dans la pénombre.

Tu la cherches mais tu ne la trouves pas. L'ouverture du cimetière des amours mortes, tu ne la trouves pas ! Remarque tu t'en fiches parce que une fois dans les lieux, tu en feras quoi de cet amour là ? Tu rentreras dans le champ des tombes. Tu enterreras ou tu brûleras ? Ah, faut choisir ma brave dame, c'est ou l'un, ou l'autre. Quoi qu'il en soit, il faut y aller. Maintenant qu'il est interdit de déposer aux ordures ses amours mortes pour cause de pollution excessive de kleenex, il n'y a plus que le cimetière dans la forêt.

Il faut bouger

C'est très pénible

Crispant ou angoissant

Alors tu pénètres plus en avant dans la forêt qui exhale des parfums de terre humide. Elle s'ouvre ou se ferme au gré de ses envies. Tu trouves un point d'appui. Elle laisse faire, curieuse de savoir comment tu vas t'en sortir. Tu sillonnes les petits chemins mais ce n'est pas par ici. Il faut aller de l'autre côté, là où le vallon se fait plus pentu. Tu glisses vers l'intérieur de la forêt. Le climat change. Une chaleur moite t'enveloppe qui ne te laisse pas indifférente, comme une sensation un pressentiment. Tu cours vers le centre mais à l'orée d'une clairière, tu te stabilises. Tu sens qu'il faut y aller tout doucement, avec beaucoup d'amour.

Tu pénètres dans un halo de sensations

Tu trouves l'entrée du cimetière

Il y a une multitude d'amours jetées là, dans l'attente qu'un tractopelle vienne creuser une fosse commune. Ce n'est pas un cimetière, c'est une décharge sous le couvert des arbres. Affolée tu touches ton coeur, ça va il bat toujours. Tu détestes cet endroit. Donc : soit tu déposes ton paquet ici, l'avantage étant qu'il sera impossible de lui rendre visite de temps à autre. Soit tu pars à la recherche d'un endroit qui restera secret, planqué quelque part où personne ne pourra aller. Mais c'est plus risqué, la solitude est au bout du chemin.

Il faut bouger

Pénible

Crispant et angoissant

Tu sors de la clairière en te laissant porter par le mouvement de la rivière qui part de l'intérieur pour conduire à l'extérieur.

Finalement tu as décidé de prendre ton amour mort avec toi. Il est là au fond de ta poche, à faire le mariole "Tu croyais m'avoir enterré ? Hé non !!". Te viens alors, si tu as deux minutes pour t'occuper de faire le ménage de printemps dans tes amours, l'idée que

Sous la grosse branche qui saille à peine dans la pénombre

Déposer, partir et oublier

Non. Ne pas oublier

Un amour mort sous un arbre couché.

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