Le corps du désaveu.

Quand je fais ça ou ne fais rien

Quand je fais tout ou même moins

Que je fasse mal ou même bien

Je suis ton sac de sable

                Ton bouc-émissaire

                Tes acides affables

                L’onguent de tes colères

                La justification

                L’objet de tes dégoûts

                Ou de tes libations

                Ta haine sans tabous

Et c’est bien fait pour moi

Je ne mérite pas mieux

Je n’ai qu’à faire de ça

Le corps du désaveu

Quand je dis peu ou son contraire

Que je cache ou non la lumière

Que je sorte ou non de l’ornière

Je reste ton sac de paille

                Ton souffre-douleur

                Tes injures au détail

                Ton souffle-couleur

                L’attelle à tes regrets

                Le triste paravent

                De l’impulsif abcès

                Qui envenime ton sang

Et c’est bien fait pour moi

Je ne mérite pas mieux

Je n’ai qu’à faire de ça

Le corps du désaveu

Quand je suis doux ou plus distant

Que je dise vrai ou si je mens

Que soit le silence ou le vent

Je reste ton sac de nœuds

                Ton orage qui gronde

                Tes reproches-camaïeux

                L’élan de ta fronde

                Et l’exonération

                De la moindre douceur

                Ton manque de passion

                Un if à tes douleurs

Et c’est bien fait pour moi

Je ne mérite pas mieux

Je n’ai qu’à faire de ça

Le corps du désaveu

Quand je vacille ou quand je fuis

Que je t’amuse ou bien t’ennuie

Quand je pleure ou si je ris

Je reste ton sac de bille

                Tes côtés moins jolis

                Tes sordides béquilles

                Tes excuses ennemies

                Un prétexte aux malheurs

                Le prélude à ta haine

                Tes mers en fureur

                L’outil de ta peine

Et c’est bien fait pour moi

Je ne mérite pas mieux

Je n’ai qu’à faire de ça

Le corps du désaveu

Quand je m’inhibe ou quand je brûle

Si je suis mousse ou simple bulle

Que je sois bon, que je sois nul

Je suis ton sac de plomb

                Tes regards méprisants

                Ton dédain et l’affront

                Qui te glace au levant

                La source maligne,

                L’odieuse tumeur

                Qui souvent t’assigne

                Aux pires rumeurs

Et c’est bien fait pour moi

Je ne mérite pas mieux

Je n’ai qu’à faire de ça

Le corps du désaveu

Qu’il soit tôt ou même trop tard

Que je reste ou si je pars

Quand tu subiras seule le soir

Je serai ton sac de plume

                Tes moments les meilleurs

                Du bleu sous la brume

                Du baume en ton cœur

                Rien de vraiment parfait

                Et rien de vraiment beau

                Quelqu’un d’attentionné

                Et quelques gentils mots

Mais c’est tant pis pour toi

Car tu méritais mieux

Tu m’as donné tout ça

Le corps d’un désaveu