Le paysan de Pigalle

Michel Chansiaux

La forêt et ses arbres à perte d'yeux

Les feuilles, les écorces, les lenticelles

Les ciels impétueux, les étangs liquoreux

Je ne perçois plus leurs lascifs appels

Voici que j'erre seul, apeuré, anxieux

Dans Pigalle et ses obscures venelles

Qui me semblent oubliées de Dieu

Et qui n'ont à offrir que leurs lunes de fiel

Je pousse la porte d'un bar licencieux

Où un travesti beugle sa ritournelle

Qui crie "aidez-moi" rien qu'avec ses yeux

Étrange Monsieur Lui devenu Elle

Sur le boulevard je croise un chien galeux

Qui grogne les quêteuses professionnelles

Devant les touristes qui frétillent de la queue

A chaque sex-shop pisse sur une poubelle

Une bande de germanopratins libidineux

Me vante les mérites des filles des bordels

Les leurs sont inscrites dans des instituts sérieux

Et leur coup tiré, regagnent vite Saint-Michel.

J'ai des haut-le-cœur à voir ces miséreux

Ces caricaturistes tendant leurs escarcelles

Sur mon fumier fumant je me sens moins gueux

De la Butte de bas-étage, fuyez à tire d'ailes

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