LE SOIR

Marcel Alalof

LE SOIR

Je regarde ce vieil homme, au visage raviné, aux traits marqués par la vie ou par l’alcool qui semble proposer sous son manteau, de vieux journaux que personne jamais n’achètera. Qui s’intéresse, à présent, à ce qui s’est passé quarante-six ans plus tôt ailleurs qu’ici ? Et quelle idée de s’installer à l’intérieur d’un café pour exercer son commerce.

Je déplace ma chaise sur le côté gauche, pour mieux l’observer. Je remarque ses chaussures montantes à lacets, impeccablement cirées, son pantalon de flanelle grise au pli parfait, sa cape noire aux extrémités lestées, à la capuche amovible doublée de tissu de même couleur, mais moiré. Cet individu n’a apparemment rien d’un marchand de journaux. Puis, mon attention est à nouveau attirée par mon interlocutrice, dont je ne percevais jusqu’alors que le phrasé haché qui m’avait d’abord détourné d’elle. Comme nous sortons, je me dis qu’après tout, je peux faire un geste, rendre service. Je m’approche du vendeur de journaux, lui tends un billet. Celui-ci, souriant, me rétorque : « Désolé, cher Monsieur, nous ne sommes pas à vendre ! ».

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