Le voyage d'Arthur

vividecateri

Une participation au concours d'EMUE. C'est un essai très long, peut-être trop long, on verra... Je me suis bien amusée, c'est l'essentiel.

Arthur était charpentier, menuisier, ébéniste, et célibataire. Il avait travaillé sans relâche depuis l'âge de 14 ans. Il y en avait dans le village, des maisons qui connaissaient les mains d'Arthur! Il comptait 65 ans et avait décidé de prendre sa retraite. Ses amis avaient décidé de rassembler la somme nécessaire, afin de lui offrir un voyage aux Etats-Unis.

Arthur, quand il avait un petit verre dans le nez, leur serinait que, s'il gagnait au loto, il ferait un voyage, mais pas n'importe quel voyage! Il irait visiter le plus petit état des Etats-Unis: Rhode Island! En Nouvelle-Angleterre.

Ses amis ne connaissaient rien de cette terre. Il pouvait leur en parler des heures. Il voulait voir de ses "propres yeux" l'endroit où avait été tourné le film "Coup de foudre à Rhode Island". Il commence toujours par expliquer que le titre "juste" devrait être "Coup de foudre dans le Rhode Island"! En tapant sur le zinc, il ajoute: "C'est comme si on lisait… Coup de foudre à Corse! Celui qui a traduit ce titre est un Jean-foutre!"

Et puis, en payant la tournée, il raconte le film…

-" Depuis la mort de sa femme, Dan élève seul ses trois filles, persuadé qu'il ne retrouvera jamais l'amour. Jusqu'au jour où il rencontre la ravissante Marie dans une librairie. L'attirance semble réciproque, mais les femmes parfaites sont rarement célibataires, et Dan ne va pas tarder à découvrir que Marie est en fait la nouvelle fiancée de son frère..."

Bien souvent il se retrouve seul avec Paul le cafetier qui range les chaises sur les tables, donne un coup de balai dans la salle…et éteint les lumières.

Arthur rentre chez lui, en chaloupant, en marmonnant pour les réverbères, les chauves-souris qui le frôlent et les chats errants qui rodent, qu'ils sont tous des ignares.

En fait, Il se moque du film, qu'il trouve un peu gnangnan, ce qu'il voudrait connaître, et surtout visiter ce sont les belles demeures de Newport. Des manoirs superbes du 19e siècle, appartenant à des familles riches et importantes comme les Vanderbilt et les Astor, venues dans cette ville pour échapper à la chaleur estivale. Ils appelaient ces maisons, des cottages. Mais leur définition du "cottage" était celle que seuls les aristocrates pouvaient comprendre.

Pour Arthur, ces maisons sont "Hitchcockiennes".

Les amis "ignares" ont collecté de quoi lui offrir un mois de rêve, logé dans un bel hôtel de Providence, la capitale.

Arthur est parti de Paris à 13h30 et est arrivé à 15h30 heure locale à Philadelphie ce qui fait un vol de 08 heures.  Il était bien arrivé! Il a pris ensuite un petit avion pour un vol d'une heure afin de rejoindre Providence. Un charmant monsieur parlant français l'attendait pour l'amener à l'hôtel.

C'est ce que raconte Arthur, en narrant ses aventures avec force détails, dans les banquets, les réunions de famille, et au bistrot.

Car il est rentré au village, non pas un mois après son séjour, comme prévu, mais six mois après!

Il prolongeait, disait-il à ses amis qui l'appelaient.

Même s'il faut moins de deux heures en voiture pour traverser le Rhode Island, ce petit état cache une surprenante diversité de paysages et d'activités et il réserve de belles surprises.

Arthur en a bien profité.

Bien sûr ses récits variaient selon l'assistance et aussi, suivant le nombre de coupes de champagne ou de verres de rouge.

Il possède l'art des conteurs d'autrefois et il rehausse à sa façon ses aventures de détails surprenants, comme sa prétendue rencontre avec Meryl Streep, sur une plage.

Ce n'est pas par hasard qu'on surnomme cet état l' "Ocean State", 640km d'une côte sablonneuse, dont les plus belles plages se trouvent dans le South Country, un ensemble de villes paisibles établies depuis 1660.

C'est là, qu'il a rencontré cette belle femme blonde qui se promenait à Block Island, une douce et mystérieuse île qui ressemble à l'Irlande. Il ne l'a pas reconnue de suite. Elle a souri quand il lui a demandé son chemin et comme elle parle très bien le français, ils se sont présentés simplement, et ont conversé agréablement de tout et de rien, sur la France, sur ses films, ses enfants, tout en empruntant des sentiers idylliques, en admirant le paysage et en observant les oiseaux.

La soirée avançait,  Elle l'a invité chez elle. Les voiliers avaient déposé leurs voiles, ils se balançaient doucement sur l'onde, les mouettes dansaient dans le ciel, c'était romantique à souhait. Arthur rêvait déjà d'une soirée très prometteuse. Meryl possédait une jolie maison.

Arthur a été accueilli par son mari. Un sculpteur, très sympathique…

Ils ont pris l'apéritif sur leur splendide terrasse en profitant des derniers rayons de soleil qui plongeaient dans les eaux bleues. Un coucher de soleil a tomber par terre, dit Arthur.

- Et alors? Demande une petite-fille.

-Alors, Ils m'ont invité pour le repas et à rester, quelques jours avec eux.

-Tu as mangé quoi?

- Voyons, Odile, tu es bien curieuse, lui reproche la maman.

-  Et bien petite, j'ai mangé un plat incroyable, d'une finesse étonnante. Des morceaux de homard énormes! Mais très tendres avec des asperges et des macaronis à la crème et au fromage. Un délice! Ce que j'ai moins aimé, c'est le "breuvage" qu'ils m'ont servi à l'apéritif; un "Apple cider" c'est du cidre chaud! Comment te dire. C'est un genre de grog avec du cidre, de l'orange, du jus de pomme, de la cannelle et une épice qui s'appelle de la cardamone.

Ils raffolent de çà! Ils sont américains…

-  Je n'aime pas les asperges. Dit la petite. Quand je fais pipi, après, çà pue! Tu es resté longtemps chez la dame?

- Non je suis parti le lendemain, car je voulais visiter les manoirs: "The breakers", un palace de style renaissance italienne, construit par Cornélius Vanderbilt et puis "Marble house" inspiré par le petit Trianon de Marie-Antoinette, et aussi "The Elms" qui ressemble au château d'Asnières…Magnifiques!

Un soir, à Newport comme je m'ennuyais un peu. Je suis allé au cinéma. Il y avait un film d'Hitchcock, cela tombait bien. C'était un très vieux théâtre une ancienne église qui s'appelait Le "Jane Pickens theatre ". J'y ai pris mon ticket et une charmante demoiselle m'a offert un sachet de popcorn au caramel et chocolat.

Le film s'appelait "Rebecca", une histoire de fantôme. A côté de moi, était assise une dame d'un certain âge. Quand le film fut terminé, elle m'adressa la parole, elle aimait les films de fantômes et me dit qu'elle vivait une partie de l'année à Providence pour se rapprocher de sa sœur qui séjournait dans une maison de retraite et qu'elle avait bien du souci car le chat  de la résidence passait de longues heures sur les genoux de son ainée et que c'était le signe de sa mort prochaine…Ce chat était l'annonciateur de la mort!

Je dois avouer qu'elle n'était pas très rassurante. J'allais m'excuser et filer, quand elle me prit le bras et me dit qu'elle me trouvait bien sympathique et que, si je lui offrais un lait aromatisé de café, elle me raconterait l'histoire de sa famille. Mais qu'avant cela, elle aimerait fumer sa pipe sur le banc, en face de la taverne car le soleil allait se coucher et qu'après, c'était défendu par la loi!

- Nous avons des lois stupides, me dit-elle, savez-vous qu'il est illégal de vendre du dentifrice et une brosse à dent au même client un dimanche?

Sur le banc, en tirant sur sa pipe, comme un vieux marin. Elle m'a raconté qu'elle avait appris à fumer lorsqu'elle naviguait avec les pêcheurs de Homard.

- Ils sont très superstitieux? Par exemple, lorsqu'ils ramassent un lompe dans leurs filets, ils l'embrassent et le jettent sur l'épaule gauche, cela porte bonheur. En revanche, le mot "pig" (porc) est déconseillé à bord!

Emily, car c'était son prénom était une cousine lointaine de la famille Perron. Et elle me raconta une partie de leur curieuse histoire.

- Quand en 1971, Roger Perron, son épouse et les enfants ont emménagé à Burrilville dans le Comté de Providence, dans une ferme du 18eme. Des esprits démoniaques ont commencé à les hanter. Une vieille dame en robe grise, apparaissait avec sa tête sur le côté, on entendait une voix qui disait : "Sortez. Je vais vous conduire à la mort et la tristesse"…Une autre voix plus jeune, criait après sa mère. Il y avait aussi un mauvais esprit masculin et cinq petites filles. Un fantôme aux odeurs de fleurs. Un autre qui embrassait les enfants chaque soir pour leur souhaiter bonne nuit. Les portes claquaient, les jouets bougeaient. Un fantôme nettoyait la maison. Il y avait  Manny, l'esprit d'un homme qui s'était suicidé en se pendant  dans le grenier en 1700. Il souriait tout le temps et s'enfuyait quand un autre fantôme approchait. Parfois les lits et les téléphones volaient, les chaises reculaient, les cadres tombaient…La famille était terrorisée! Heureusement les Warren, les ont aidés… Vous savez, ces spécialistes du paranormal… Vous avez vu le film "Conjuring"?

- Non!

- Et bien allez le voir. Vous comprendrez. Venez, allons au "White Horse tavern" ce sont des amis, c'est la plus vieille taverne d'Amérique! Et si vous y croyez, je vous présenterai mes amis les fantômes!

En fait, la taverne est un restaurant, j'ai tout de suite pensé qu'elle avait l'intention de se faire offrir un bon dîner. Le jeu de la vieille dame m'amusait. Alors je l'ai suivie. La salle était sombre, partout il y avait du bois. J'imaginais que c'était ainsi, dans les maisons des immigrants, il y a 300 ans.

L'endroit était désert. Une table pour six personnes était dressée près du grand feu ouvert. Cette ambiance était très mystérieuse. Je me suis demandé où j'étais tombé!

Emily s'installe à cette table et m'invite à m'asseoir à côté d'elle.

- Avant de commander. Répondez-moi, quel esprit aimeriez-vous rencontrer?

- Vous n'êtes pas sérieuse Emily, les fantômes n'existent que dans l'imagination des personnes trop sensibles. Choisissez, plutôt ce que vous désirez manger.

Pendant qu'elle examine le menu en souriant, je pense à sa question.

Si sa proposition était  réelle? Je ferme les yeux…

Qui aimerais-je rencontrer?

Immédiatement! Je pense à H.P. Lovecraft (vu l'ambiance) cet écrivain auteur de nouvelles fantastiques et d'épouvante. Et puis Alfred Hitchcock, naturellement et aussi… Roger Williams, fondateur de Rhode Island, il avait été banni de Plymouth au Massachusetts en raison de l'extrémisme de ses idées sur la liberté d'expression et du culte.

Il est à noter mes amis, que ses opinions sont à l'origine du 1er amendement à la constitution des états unis.

Je le cite pour les "ignares":

"Le Congrès ne fera aucune loi pour empêcher l'établissement d'une religion, interdire le libre exercice d'une religion ou pour limiter la liberté d'expression, de la presse et des droits des citoyens de se réunir pacifiquement et pour adresser à l'État des pétitions pour obtenir réparations des torts subis"

 Il était aussi, le défenseur des droits des indiens.

 Pourquoi pas, rencontrer un grand sachem Narragansett."

Alors, j'ai pensé un grand chef  "Miantonommoh"

Et bien, croyez le ou pas.

Tous ces personnages sont venus s'asseoir à notre table et devinez qui nous a servi les raviolis au homard?

Un pirate! William Meye! Il avait hérité de la taverne en 1702! Un vrai pirate qui sévissait dans l'océan indien.

Vous pensez que je vous raconte des balivernes. J'avais tout mis par écrit et j'ai même pris des photos.

Mais on ne voit que moi et Emily, par contre vous auriez pu remarquer les assiettes pleines, des convives!

Malheureusement, j'ai tout perdu dans la rivière.

 Mais cela, c'est une autre histoire.

- Et vous avez causé de quoi, demande le facteur, avec tes fantômes?

- Et bien, de tout et de rien, le passé leur importe peu.

Nous avons conversé de l'actualité à Rhode Island.

Nous avons parlé du voleur qui a essayé de braquer un dépanneur et un pressing avec une pomme de terre. Il avait camouflé la patate de manière à ce qu'elle ressemble à une arme à feu et en plus il avait volé à sa sœur sa carte de crédit et 100 dollars. Un sot qui s'est fait prendre et qui est maintenant en prison.

Nous avons aussi parlé des OVNIS qui ont survolé un village.

Des huit femmes acrobates qui devaient former un chandelier humain pour un spectacle dans un cirque et qui ont fait une chute de 12 mètres.

Du policier qui fait la circulation en dansant…

De l'enterrement de ce pauvre garçon, cet étudiant d'origine indienne mis en cause par les réseaux sociaux dans l'attentat de Boston. Porté disparu, le jeune-homme de 22 ans a été repêché dans la rivière de Providence. Les causes de son décès restent inconnues. Il était parti du campus universitaire sans téléphone, et sans argent…sale histoire!  

La soirée s'est terminée, Emily et les fantômes sont partis et moi je suis allé dormir, car je devais me rendre à Providence. Je voulais assister à un 'Waterfire'.

J'ai pris du plaisir à flâner sur la promenade aménagée le long de la rivière Providence et de profiter du spectacle des feux de joie qui éclairaient de leurs flammes les eaux tranquilles. J'ai regardé les feux s'allumer au coucher de soleil, les uns après les autres. Les bûchers allaient brûler jusqu'à minuit. Il y avait des milliers de personnes qui assistaient au spectacle de sons, de musique et de lumière, c'était prodigieux.

Lorsque soudain, près de moi, un cri d'enfant!

Une petite fille était tombée à l'eau, j'ai plongé et l'ai ramenée sur le bord. En sautant trop vite, je m'étais ouvert le bras sur un morceau de métal qui dépassait d'un pilier de la jetée.

Regardez la cicatrice!

C'était la fille d'un ponte de la mafia locale! J'ai eu droit aux remerciements à la sicilienne, et si je le désirais à une intronisation dans le clan Patriarca, proposition que j'ai refusé.

J'ai seulement accepté une invitation à un bon repas. On y a servi de l'alligator et des pizzas en bande! Ce n'est pas mauvais.

En racontant cette anecdote Arthur cherche du regard son ami d'enfance: Jeff.

Ils se lancent un clin d'œil de connivence. Arthur a bien mis les pieds à l'aéroport de Philadelphie. Mais dès ses premiers pas dans l'aéroport de transit. Il a tout de suite remarqué qu'il était aux States!

Du bruit, des cris, des sirènes, des fast-foods et des grosses limousines.

Beaucoup trop d'effervescence!

Il a pris une chambre dans un hôtel proche de l'aéroport, et il a attendu la possibilité de faire valoir son billet de retour, en regardant la télévision.

Entre les States, ses rêves et son petit village, il y avait trop de décalage.

Au retour, pour ne pas perdre la face et décevoir ses amis, il a appelé son compère Jeff. Ce dernier lui a prêté sa maison, tout le temps qu'il désirait, à Saint-Georges de Didonne.

C'est en réparant une gouttière de la villa, qu'il s'est blessé…

Un crochet dépassait du mur.

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