L'égocentrisme des Connes

    Imaginez cette scène, un peu clinquante, avec des etoffes agressives et des matières laquées grasses. Derrière le rideau, des rires de poissons étouffés comme des morues qui s'esclaffent, la grande marée.

  La femme s'avance, dans la lumière, affichant cette assurance incroyable spécifique aux connes qui s'ignorent. Elle aurait pu s'appeler Nadine. Elle a le physique de l'entre-deux, une minceur de frigide avec les clavicules qui cisaillent, les hanches grassouillettes et le ventre mou. Elle a le teint pâle, une peau luisante et du rouge à lèvres de cocue.

    Comme toute conne qui se met en valeur, elle assortit méticuleusement tout ses vêtements, comme une légende pour la populace, qui doit enfin comprendre que le turquoise et le marron vont ensemble.

     Elle a mis ce sautoir de perles écaillées et elle a fait un nœud au bout. Elle est rebelle la conne ! Elle transforme ce qui existe histoire de croire que la superficialité ne l'atteint pas. Elle se croit artiste, ça lui donne un genre.

    Elle se pavane de grands discours hermétiques, donne des leçons dont elle ne connaît pas la pratique, fait l'étalage de son vocabulaire de femme actuelle, fait la liaison aux mots.

    Elle te regarde dans les yeux, pensant qu'elle t'éblouit de savoirs, pensant avec certitude que ses idées ont chaboulé les tiennes. La conne n'a aucun scrupule, elle coupe la parole et a toujours raison. Elle transpire sous les bras et se gratte la tête, elle se remaquille pour aller à la poste et se passionne pour des sujets de conversation futile et croit ainsi toucher du doigt l'aura de certains philosophes.

    La conne n'espère rien, n'est jamais malheureuse car les conflits qu'elle subit parfois, elle les range comme des malentendus, croyant être aimée de tous, la conne ne se prend pas la tête, sa vie est facile.

    La conne te permet la comparaison, te fait sentir mieux, te sert toujours à un dîner.

     On a tous besoin d'une conne.