Les macarons

vividecateri

En écoutant deux vieux amis, une nouvelle est née...
Elle l'attend sur le seuil de la porte.
- C'est gentil d'avoir accepté mon invitation, émet timidement  une toute pimpante et souriante Marinette de soixante-dix printemps.
Arthur a apporté du champagne, (Marinette adore les bulles) et aussi des macarons qu'il a pris le plaisir d'aller acheter en ville chez le meilleur pâtissier du coin.
Il y a même, été deux fois, au risque de se mettre en retard pour son rendez-vous. Car Bobby, son chien s'était assis dessus et les avait tous aplatis.
Arthur est distrait, très distrait, encore plus maintenant qu'il est amoureux. Il avait oublié, qu'il avait déposé le dessert sur le siège arrière de la voiture…
Arthur fêtera bientôt ses soixante dix-sept ans.
L'année prochaine, il ne pourra plus lire Tintin lui répète sans cesse son meilleur ami,  Raymond.
Ce soir, il est…Impressionné, devant Marinette et même un petit peu ému par cette première visite chez elle.
Il l'a rencontrée au village voisin, au bal pour séniors, un samedi.
L'épouse du président les avait placés à la table des veufs. On devrait plutôt dire des veuves… Car pour deux hommes, il y avait quatre femmes.
Marinette aimait danser.
Lui aussi.
Elle avait compris qu'il était très demandé, vu le manque de mâles dans cette assemblée et c'est avec humour qu'elle lui murmura entre la poire et le fromage, que son "Carnet de bal était disponible, rien que pour lui"
Arthur n'avait jamais entendu pareille ruse pour se faire draguer.
Autant en emporte le vent…
Amusé et curieux, Il l'invita à danser une valse lente.
A son âge on ne risque plus un rock endiablé.
Soudain, dès les premiers pas, son vieux corps s'attacha, se colla, se lia, se rythma, dans une parfaite osmose, à la charmante enveloppe douce et parfumée de Marinette.
C'était merveilleux! Oubliés les rhumatismes et l'arthrose.
Depuis cette expérience inoubliable.
Arthur vivait sur un nuage...
Ils sont arrivés chez elle, à 19 heures pile.
Arthur et son fox terrier, également invité. Marinette aime les animaux. C'est un bon signe.
Elle a pour compagnie, une adorable chienne, Daisy, une boule de poils entre un teckel et un King Charles.
Les animaux sont, visiblement ravis de se revoir et comme eux, ils ne peuvent pas camoufler leur sentiments...
Ils se sautent au museau, se reniflent le derrière et filent batifoler au jardin.
-  Entrez mon cher Arthur, il ne fait pas chaud. J'ai allumé un bon feu dans la cheminée. Il restait quelques bûches dans la grange.
La maison est si froide et si grande pour moi, qui suis si seule...
-  A qui le dites vous ma chère amie, soupire Arthur en se frottant les pieds sur le tapis-brosse marqué d'un "Bienvenue" .
Le repas est parfait et quand les chiens reviennent se chauffer devant la cheminée. Ils ont droit, eux aussi, au dessert; deux macarons écrabouillés.
Ils achèvent la soirée et la bouteille de champagne devant la cheminée en bavardant agréablement.
Minuit approche, Arthur prend congé.
Les animaux se sentent tristes de se quitter, à l'égal des maîtres...
- Est-ce bien raisonnable de partir? Les routes ne sont pas sans dangers et vous n'êtes pas à l'abri des gendarmes ou d'un malaise.
Vous avez un peu bu... Tente Marinette…
Arthur, ne sait que répondre, il aimerait rester, mais…
Il s'en tient à ce qu'il a prévu pour sa sortie.
En partant, il dépose sur la table du salon, contre la bouteille vide, une petite enveloppe bleue.
Un peu désappointée, elle regarde la voiture tourner au coin de la rue.
En rangeant, elle découvre le billet doux.
Elle parcourt avec hâte, puis relit, doucement, cette jolie déclaration d'amour écrite par Charles Sainte-Beuve:
"Ô laissez-vous aimer !... ce n'est pas un retour, Ce n'est pas un aveu que mon ardeur réclame ; Ce n'est pas de verser mon âme dans votre âme, Ni de vous enivrer des langueurs de l'amour ; Ce n'est pas d'enlacer en mes bras le contour De ces bras, de ce sein ; d'embraser de ma flamme Ces lèvres de corail si fraîches ; non, madame, Mon feu pour vous est pur, aussi pur que le jour. Mais seulement, le soir, vous parler à la fête, Et tout bas, bien longtemps, vers vous penchant la tête, Murmurer de ces riens qui vous savent charmer ; Voir vos yeux indulgents plus mollement reluire ; Puis prendre votre main, et, courant, vous conduire À la danse légère... ô laissez-vous aimer !"
Marinette s'assied devant le feu, elle est toute retournée…
Quelques minutes plus tard, la chienne se met à japper.
C'est Arthur qui frappe à la vitre.
Marinette ouvre la porte.
Bobby et son maître la regardent comme deux chiens battus.      
- Je vous demande pardon Marinette, auriez vous un bidon d'essence, j'ai oublié de faire le plein, j'ai trop roulé sur la réserve, la voiture s'est arrêtée en bas de la côte, elle ne démarre plus. Vous allez croire que je vous fais le coup de la panne…
Marinette démarre au quart de tour… D'un immense et magnifique fou rire.
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