Les masques - 1. Nathaniel (2)

Nathaniel, pendant ce temps, réfléchissait encore à la conversation précédente. Il était le seul à n’avoir pas posé son regard sur le couteau à cran d’arrêt abandonné au sol, à l’exception d’un autre garçon dont les longues mèches brunes lui balayaient le front, et qui ne s’était pas encore réveillé.

« Ok… Tu nous expliques ce que tu foutais avec ça ? Demanda Patibulaire à Yeux-bleus, que celui-ci leva d’ailleurs. Il le détailla longuement d’un air glacial, jusqu’à ce que Patibulaire s’agite nerveusement sur sa chaise.

- Je suis un mec prudent… » Répliqua-t-il alors avec un imperceptible sourire narquois. Il se pencha pour récupérer son couteau, se leva de sa chaise et s’accroupit derrière celle de la magnifique jeune femme qui était assise à sa droite, entreprenant de couper ses liens à elle aussi. Contrairement à lui, elle se leva immédiatement de sa chaise, frottant ses poignets à son tour.

« Tiens… Dit-il en lui tendant le couteau. Détache-les avec ça. Mais touche pas au Psycho, là. Ce serait con qu’on se retrouve avec un mort au bout de deux minutes… N’est-ce pas Mademoiselle-cellule-mafieuse ? Annonça-t-il en coulant un regard moqueur à la jeune femme rousse.

- Je t’en prie, appelle-moi Briana, rétorqua-t-elle dans une désagréable grimace.

- Mafiosa ? »

Briana secoua la tête, les yeux levés au ciel. Yeux-bleus contourna sa chaise pour s’accroupir derrière elle et détacher ses liens. La Magnifique, quant à elle, avait déjà libéré la fille aux tatouages et au chapeau.

« Tu plaisantes, là ? » Interrogea Patibulaire en haussant les sourcils. Yeux-bleus ne lui répondit pas. Patibulaire se mit alors à beugler, outré, s’agitant plus que jamais sur sa chaise face à l’indifférence totale de l’autre garçon, qui s’éloigna de l’autre côté du cercle. Il s’accroupit devant la seule personne qui n’avait pas daigné se réveiller.

« Qu’est-ce qui lui arrive à celui-là ? Grommela-t-il, tandis que Nathaniel, qui venait d’être libéré de ses liens, l’approchait à son tour, se frottant le nez avec le dos de la main et humant machinalement l’odeur de sable qui se dégageait de sa peau hâlée.

- Peut-être qu’il est… »

Mais Yeux-bleus ne le laissa pas finir. Il gifla l’autre garçon sans scrupule, et celui-ci se réveilla dans un sursaut, ancrant son regard dans le sien. Yeux-bleus leva alors la tête en direction de Nathaniel, un mince sourire triomphal au coin des lèvres.

« Pas mort. » Acheva-t-il en se redressant, laissant l’endormi se réveiller lentement et porter un regard hagard sur le salon. Nathaniel imita son mouvement, détaillant la pièce avec curiosité. Deux otages s’étaient élancés vers le double battant de la lourde porte en chêne massif et tentaient sans succès de l’ouvrir, ce qui ne surprit personne. Tous les autres, à l’instar de Yeux-bleus, se mirent à visiter la petite pièce, frôlant le mobilier avec le scepticisme, évoluant lentement entre le canapé défoncé, la cheminée et les bibliothèques qui recouvraient les murs.

Nathaniel fronça les sourcils, et avec hésitation, reporta sa main à son nez, inspirant longuement. L’odeur du sable.

« C’est pas une histoire de GHB, nota-t-il pour lui-même.

- Pardon ? Bondit la jeune fille qui avait été assise juste à côté de lui au moment où ils étaient attachés, alors qu’elle passait devant au même instant.

- C’est… C’est pas une histoire de GHB, affirma alors Nathaniel avec un peu plus d’aplomb.

- Comment tu sais ça ?

- J’ai encore l’odeur du sable sur moi. La dernière chose dont je me souviens, c’est que j’étais à la plage et que je m’apprêtais à surfer. Ca ne doit pas dater de si longtemps… Et je ne consommais rien du tout.

- Du surf en Angleterre ? S’exclama la jeune femme. A cette saison ?

- J’étais pas en Angleterre… Répondit Nathaniel d’une voix absente.

- Australien ? » Avança alors un garçon blond, aussi grand qu’il était maigre. Nathaniel porta sur lui un regard surpris. « Euh… Ton accent ! Se justifia alors le garçon. J’ai déjà été me balader du côté de l’Australie. Je l’ai reconnu tout de suite. Je m’appelle Mike !

- Nat, répondit Nathaniel avec prudence, même si le dénommé Mike avait l’air bien plus avenant que la plupart d’entre eux.

- Ouahou… Du surf en Australie ! S’exclama la fille, rêveuse. J’ai toujours rêvé d’aller là-bas, mais j’ai trop peur de l’avion. Moi c’est Gemma, au fait ! » Ajouta-t-elle en tendant joyeusement la main en direction de Nat. Poliment, il la serra, incapable de retenir un faible sourire amusé. Il échangea un regard avec Mike, qui se contenta de hausser les épaules.

« Il devrait y avoir un moyen ! » S’écria soudain la fille qui avait tenté d’ouvrir la porte. Elle s’adressait à un garçon qui tenait un gros appareil photo entre les mains, rattaché par une lanière autour de son cou. Nat se demanda comment il avait réussi à garder cet appareil avec lui, et surtout : qu’avait-il l’intention d’en faire ? Il n’était pas certain que qui que ce soit ait envie d’une photo-souvenir de cette histoire. C’était louche.

La fille fouilla nerveusement le mobilier autour de la porte, marmonnant au sujet d’une clé. Nat, interpelé, se mit à chercher à son tour, en commençant par jeter un coup d’oeil à l’intérieur d’un porte-parapluie radicalement vide. Il posa la main sur la poignée du tiroir d’un secrétaire, mais fut sèchement arrêté par la fille.

« Inutile, j’ai déjà cherché ! » Nat se figea, avant de couler un regard surpris sur elle. Mais elle sembla se rendre compte du ton qu’elle avait employé, et se mordit la lèvre inférieure, avant de souffler. « Excuse-moi ! Ca me rend nerveuse, tout ça. Il y a quelque chose de louche là-dessous, et crois-moi, il vaut mieux pour nous qu’on s’en aille d’ici le plus rapidement possible. Nat, c’est ça ? » Il hocha la tête. « Je t’ai entendu avec les autres. Moi c’est Kate, et…

Elle tourna la tête vers le garçon à l’appareil photo.

- Aiden, répondit-il seulement, avec un petit sourire timide. Nat pointa l’appareil du menton.

- Pourquoi t’as ce truc ?

- Parce que je ne m’en sépare jamais. C’est la prunelle de mes yeux.

- Ils ont été suffisamment cools pour te le laisser ? Il faut croire que nos tortionnaires ne sont pas si horribles ! Ironisa gentiment Nat.

- Ils ont dû vouloir respecter sa dernière volonté ! » Ricana Patibulaire qui écoutait leur conversation, la tête renversée en arrière dans une position probablement très inconfortable. Il tourna son regard sur Kate, la jaugeant avec un sourire lubrique qui la fit lever les yeux au ciel. « Eh ma p’tite chérie ! Tu veux pas me détacher ? Je te le trouverai moi, ton moyen de sortir.

- Non, ça ira. Répliqua-t-elle sèchement, et Nat commença à apprécier le ton. Je pense que je vais me débrouiller autrement. »