Les nuits malsaines

camille-de-vaulx

A la lueur des réverbères caillassés.

Elle gueule de la vodka.

Ses jambes s'enlisent dans les trottoirs, elle roule et boule, et glisse : comédise sans accessoires. Cassés sur l'asphalte, les camés la sifflent : ils la racolent. Marmonnent à la belle des bouquets de mots désarticulés.

Badine, elle érotise les déchets. Déride les plis de sa robe, rose cardine, offre ses bas aux regards obliques des bouches cariées.

Elle danse à la lumière des joints, les attise. Les dresse à l'italique, dans le sillage de son parfum.

Ses yeux saccagés, noyés de pomme : elle promenade en fantôme ivre.

Elle défile, la cover-girl. Plastronne sous les étoiles, sous les nightlights. Brame- chiale, coquille pleine, aux frontons des bars.

Flaire la bière et les blanc-pèches, supplie les armoires en costards. Pour une dernière pinte, un dernier parasol.

Elle lèche les judas, embrasse le bois.

Se frotte, humide et tangue : contre les quilles accoudées là. Cherche la galoche dans le regard des couples en toc, qui s'attrapent par la taille : chabadas.

Des sages dans le cortège. Des qui-sortent-pour-danser.

Elle chauffe les gars schlass. Se fraie parmi le bétail, les fesses adossées aux cigares.

Elle déboutonne son jean, stratège. Et passe la langue : entre ses cuisses.

Mais, à la lumière rouge des néons du perron,  personne ne distingue plus l'ombre grise.

Glauque et sale, puant la pisse : l'alcool l'assomme sur le pavé. Elle sombre, rêve sur son matelas de cagette.

 Ses boucles noires moites de bave se pelotonnent contre son torse. Et comme toutes ses nuits maravées, ses quarante-sept automnes disparaissent derrière le voile, les paillettes.

Qui dansent. Et qui dansent.

Dans sa tête.  

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