Marrons chauds

Edwige Devillebichot

Des coeurs d'osier tressés d'amour comme des paniers
De doigts de compagnonnes, patientes et habiles fées
Balancent gaiement au bras de l'enfance gourmande
Chargés de pommes pour faire des confitures sucrées
Dans la séculaire marmite de cuivre sur la robuste table.
Les feuilles s'envolent en tourbillons de bronze et d'or
Le grand vent de la loi des cycles inexorables
Chante dans la mue fabuleuse d'automne
Bat l'épaisse écorce brune des grands chênes
Gravés de tant de voeux d'amour inexaucés
Cinglant les mollets nus musclés et glacés.
Dans le secret du bois se cachent les cercles des âges
Souvenirs d'étés roses et rouges flamboyants
Des printanières aubes d'amours gazouillantes.
Les pieds chaussés du bon cuir des années
Eclatent en gerbes les flaques d'eau des grands fossés
Brisant en un éclat de rire les parois des envoûtements.
Les furies de la forêt des sortilèges et des tristes augures
Tombent culs nus sur les cosses piquantes des châtaignes
En poussant des cris lugubres de noires corneilles.
Les âmes amies riant sous le même imperméable
Rentrent en courant vers le feu du foyer crépitant
Pour déguster en se brûlant le bout des doigts
Les tendres marrons chauds qui nourrissent la vie.

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