Mélo-Drama-Queen-Jay-M Tea.

Jay M Tea

Crédit photo Jay M Tea (ma bouille)

Je m'éteignis la nuit du 31 mai au Premier juin 2011 suite à une dispute avec la vie.

Été 2010, c'était au mois d'août à Dijon, ma ville adoptée. Je venais de rencontrer Florent. Le soleil illuminait de beaux jours radieux. Je dormais à droite à gauche, chez des amis mais principalement chez mon amoureux. Nous promenions son chien et profitions du temps qu'il nous restait ; ce temps que l'on savait si moche et sale mais contre qui personne ne peut se battre. Il vint aux aurores de mon départ qui flottait sous nos épidermes encore vibrants de notre dernière nuit d'amour. Il m'emmena à la gare. Il s'empêchait de pleurer et j'avais honte de mes cascades d'eau de mer. Mes larmes ne faisait qu'encourager le désastre de la séparation. « On va jouer à un jeu, » me dit-il, courageux de briser le silence des minutes qui s'efforçaient de maintenir mon cœur en vie. « La prochaine fois que l'on se reverra, ce sera lorsque tu seras arrivé de l'autre côté de l'océan. » Je fis oui de la tête avec cet écho d'orchestre qui s'échauffait avant le levé du rideau ; j'entendais déjà l'annonce de la fermeture des portes des voitures qui, une à une, claquèrent comme pour se moquer de mon malheur. L'instant d'après je retenais mes larmes à l'aéroport dos à la France, les yeux bandés, ignorant tout de ce qui se passerait sans moi. Le voyage fut long, fastidieux, sans nicotine, solitaire ; en un mot : traumatique. J'arrivais ensuite en terre austère et fus bringuebalé dans une maison avec un italien dont le pantalon flambait à chaque fois qu'il rencontrait une fille et dont l'adultère ne lui faisait pas froid aux yeux pour fuir une maison pleine à craquer d'une poignée féroce de mauvaises personnes. Je récoltais des graines de petits sourires et des merveilles à Boston et à New-York. J'écrasais mes mégots sur Montrose Avenue, à Times Square, sur Broadway et devant l'entrée de l'Hôtel de Glace à Québec City quand je songeais à Central Park et au Lincoln Tunnel. Je gagnais du terrain sur le continent nord-américain au Québec de Michelle Lalonde en passant par la case « caraïbes » à Fort-de-France.

Mes jours heureux à l'université où je donnais des cours de français arrivèrent avec une sensation de vertige comme lorsque l'on tombe d'une chaise avec l'entrée en scène de celui qui me fit oublier mon aimé laissé au pays et nos adieux irrévocables. Mon existence se plaqua contre les parois de mes veines quand mon sang se mit à faire demi-tour. La radiation d'un éclat de rire me révéla vaillant et guéri de toutes mes blessures. Je pouvais sentir en moi cette sensation de chair qui se rétracte quand le froid nous saisit en anglais frigorifié dans le texte. Mes plaies se refermaient à vue d'œil et mon visage transperça tous les cœurs et les cieux gris. Mon élan de résurrection écarta les nuages et fit fondre les neiges. Je noyais ma peine dans le bonheur. Karl fut la muse de mon deuil amoureux. Nous ne faisions qu'un sous les draps. L'amour infini et l'extase m'étaient montés dans l'âme. J'aimais de nouveau la vie comme personne avec un compagnon dont la voix semblable à ce qui fascine dans le miraculeux des écrits sacrés, celle d'un dieu aux racines souillées par l'esclavage, me disait qu'elle m'aimait sans limite et sans âge. Je ne trouvais pas les mots pour décrire pareil atome d'espoir.

Puis la vie me tourna le dos ; elle s'appelle « la mort » quand elle jalouse les misères et les joies du monde et juge à tort de les reprendre. Vint le jour où mon cœur fut arraché de force par la main unanime de tous les diables, Karl partit pour New-York City et je restais seul et inconsolable dans ma grande maison au 36 College Street à Hamilton. Sans même prendre le temps de pleurer, je me retrouvais dans l'avion qui me ramena en France et je le haïssais de toute mon existence. J'atterris à la maison, et pris mon mal en patience avant de retrouver Dijon, remplies de visages amis que mes histoires n'intéressaient pas et qui me trouvaient bien différent. Il y avait dans l'air comme une odeur d'absent qui obsède l'instant présent ; cette odeur dégueulasse qui rappelle ceux qui ne peuvent être auprès de vous ; Karl n'était plus là et dès lors que sa voix résonnait dans ma cervelle épuisée, mon cœur s'emballait comme pour annoncer le finale de cet orchestre invisible qui vibrait à tout rompre quand ma tête explosa et gicla sur tous les trottoirs de ma vie manquée, retrouvée, et qui me haïssait. Ma gorge se tordait dans tous les sens puis il me fut incapable d'exprimer ma frustration et mon envie d'en finir avec ce malaise.

J'étais mort et j'aimais à penser que mon âme s'était envolée là où elle pourrait enfin trouver le salut ; je me mis en tête d'écrire un jour le suicide qui s'opéra en moi ; je passais des jours dos au mur, à marcher jusqu'à en pleurer, à regarder de haut une page blanche posée sur mon bureau quand je compris qu'il fallait que je parte à la recherche de toutes les émotions qui m'était passées à travers le cœur pour revivre et retranscrire les proses anatomiques qui firent battre en moi ce que j'écris à présent.

  • j'ai beaucoup aimé ce texte, en particulier le début. La scène du départ est très vive, elle m'est apparu et j'ai vraiment senti les émotions vécues. Bravo!

    · Il y a presque 11 ans ·
    318986 10151296736193829 1321128920 n

    jasy-santo

    • on peut s'en apercevoir! mais j'ai l'impression qu'il s'agissait d'une sorte d'exorcisme, donc ça m'a l'air positif!

      · Il y a presque 11 ans ·
      318986 10151296736193829 1321128920 n

      jasy-santo

    • Là toute l'horreur et tout l'enchantement d'écrire!

      · Il y a presque 11 ans ·
      318986 10151296736193829 1321128920 n

      jasy-santo

Signaler ce texte