Miroir

rafistoleuse

On éteint. On oublie. Tout va bien. Puisqu'elle le dit.

-" Lève les yeux. Vas-y, je te lâcherai pas tant que t’aura pas pris le temps d’ouvrir les yeux sur celle qui est en face de toi. Trop de temps que tu contourne tes propres questions, trop de temps que tu t’évite… Et voilà, ça y est, j’ai gagné. Tu m’écoute enfin. Tu sais, je t’ai bien observée, j’ai eu le temps, toutes ces années, emprisonnée. Je te connais maintenant. T’as réussi à m’oublier comme si je n’avais jamais existé, comme si je n’existerai plus jamais. Tout ce que tu sais faire, c’est enfiler un masque. Une fois, puis deux, et puis ça devient plus facile de le garder que de l’ôter. Et maintenant t’en es à ne plus savoir où est le vrai. Où commence le masque ?
Je te préférais avant. Quand t’avais mal, tu te ne te cachais pas. Tu affrontais peines et douleurs. T’étais perdue mais moi je m’y retrouvais. Depuis, le temps et les plaies t’ont appris qu’il était facile de jouer. Comme si ça t’avançais à quelque chose. Tu pense vraiment que t’as changé ? Tu te donne au maximum pour les autres, de cette manière tu t’oublie et ça te fait du bien n’est-ce pas ? Tu parles, là encore ce n’est qu’un leurre. Chaque déception, chaque bonheur que tu vis à travers les autres te renvoie au vide qui ronge ta vie. Tu me fuis et tu recule. Pourtant je sais que t’en peux plus. Que tu voudrais tout balancer. Que t’en ras-le-bol. Des sourires bon marché comme de vieux réflexes qu’on garde. De ces chaînes invisibles. De la solitude que tu étouffe. Des illusions dont tu te maquille.

- Ça y est ? T’as fini là ? Tu crois que c’est facile, pire encore, tu me crois capable de le faire. Tu n’imagine pas le quart du dégoût que j’ai en te voyant devant moi. Si je t’évite c’est que je ne veux pas tomber. Peut-être bien que je ne vis pas vraiment que je passe à coté de ce qu’est vraiment la vie. Tant pis. Parce que tu vois, celle que j’étais avant, elle était persuadée que si elle tombait, il y aurait une main tendue pour la relever. Puis elle a compris, personne ne veut aider quelqu’un qui chute, peur de chuter avec lui. C’est pour ça tu vois, que je continue à rire et sourire comme si tout allais. C’est comme les graffitis sur les murs. On met ne couche de peinture mais ça se voit toujours. Et puis au fond on sait que bientôt il y en aura d’autres. Alors on remet une couche, deux couches. Soyons réalistes, je ne t’aime pas et toi tu n’aime pas me voir comme ça. Je n’aurai qu’à faire comme si tu n’existe pas, comme si ça va. C'est mieux pour eux, pour moi. Et toi, je pourrai te faire taire, tu vois tu dis déjà plus rien."

Elle grimaça au reflet de son image dans la glace et éteignit la lumière. Encore une fois. Suffit d’éviter les miroirs.

C’est comme avoir les meilleures cartes en main et ne pas savoir comment jouer. Comme une voiture sans essence. Comme un stylo sans encre. Ca ne sert à rien.


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