Nabilla - Nouvel ordre et subculture

petisaintleu

Dans le cadre du concours Mouvement

Dresser un portrait de Nabila dans une rubrique censée parler d'un acteur de la culture peut passer pour de l'inconscience. À sa décharge, elle n'est que l'instrument de maquereaux télévisuels. Ils ont depuis longtemps relégué la force de l'esprit en troisième partie de soirée, après Strip-tease ou Histoires naturelles, programmes forts intéressants qui traitent de l'andouille boudinée et de la tanche. Toutefois, on pourrait y voir un lien, cette dernière étant un poisson fouilleur évoluant dans les fonds vaseux.

En effet, c'est à proximité des berges du lac Léman que Nabila commença à se frayer un chemin en eaux troubles. Toute jeune déjà, elle se rêvait actrice californienne où évoluent des bimbos, à deux doigts de la Silicon Valley. Mais, c'est à Genève qu'elle grandit, dans le quartier des Eaux-vives, un lieu propice pour y croiser des fontaines. Vite émancipée, elle préféra ne pas s'attarder, le cul collé sur une chaise, pour choisir l'option école de la vie. Elle se rétracta par la suite. Elle déclara dans Le Figaro TV Mag, supplément pris en sandwich entre les pages économies et santé, qu'elle est titulaire d' « un diplôme en anglais avancé dans une école de langues ». Je suppute en effet que les millionnaires qui habitent la cité helvète, la main sur la braguette de leur porte-monnaie, se montrent prompts à donner des cours particuliers.

Forte de ses premiers contacts dans les discothèques genevoises et lausannoises, elle fut introduite dans des milieux peu fréquentables. Elle avait dix-sept ans quand, alors que nombre des jeunes filles de son âge rêvent du prince charmant, cloîtrées dans de très chics pensions, elle trempa dans une affaire d'ordres de paiements falsifiés. Heureusement, sa plastique, carénée telle une carrosserie qui, à défaut d'être aérodynamique, brillaient de mille feux, lui permirent de prendre un tournant. En mars 2011, elle sut jouer de ses pare-chocs en se faisant élire Miss Autosalon. Grâce à cette notoriété qui dépassa les frontières du canton, elle commença à creuser son sillon dans le mode télévisuel. Loin de jouer au bouche-trou, elle découvrit la culture et elle apprit vite : Les Anges de la téléréalité, des poses lascives dans Entrevue et Newlook, jusqu'à ce jour du 5 mars 2013. Dire que Flaubert passa des semaines pour décrire un perroquet ou que Balzac se tua à la tâche pour écrire et régler ses dettes. Allô ! Non, mais allô quoi !

Il y a eu Euréka, Tu quoque mi fili, Ralliez-vous à mon panache blanc. Désormais, les siècles se souviendront du décoiffant « T'es une fille, t'as pas d'shampooing ! ». Dans deux cents ans, on peut s'imaginer qu'il sera demandé aux khâgneux, option coiffure, de s'interroger sur la portée philosophique de cette phrase sibylline. En lisant entre les ficelles d'un string, on pourra en effet y voir toutes les préoccupations existentielles d'une Nabilla, tiraillée entre le fard et des cochons.

Sa quête intellectuelle, elle la suivra dans le calme monacal d'une cellule, décrochant avec brio son certificat de formation générale. On peut dès lors présager de ce qui pourrait être sa folle ascension : un CAP honoris causa décerné par Pigier, une bourse d'études pour approfondir ses compétences en buzz et hastags ? On ne peut douter que, forte de ses nouvelles compétences, 2017 soit en ligne de mire. D'après les récentes indications de Mabouse.fr, elle aurait été contactée par un ténor du barreau qui souhaite orienter sa carrière vers des fonctions politiques et serait en mesure de lui proposer, s'il devait accéder aux plus hautes fonctions, le ministère de la Culture. Aux dernières nouvelles, Modiano et Le Clézio auraient déjà menacé de demander l'asile à la Norvège.

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