Ne dis rien ...

Ne dis rien ...Il commençait toujours par ces mots, à peine soufflés, lorsqu'il pénétrait à pas feutrés dans la chambre obscure. Terrée sous les draps, mais les yeux grands ouverts, Cassandra le regardait s'approcher ; ombre parmi les ombres qui peuplaient la pièce. Le cœur découpé dans le volet de bois d'où filtrait un peu du jour qui commençait à poindre, lui permettait de distinguer la haute silhouette qui se détachait, mouvante, sur le papier peint. C'était comme lorsqu'on ouvre un grand livre d'images cartonnées, en relief. Mais, elles sont, en principe, colorées et joyeuses, puisque ce sont des livres que les jeunes enfants se plaisent à feuilleter. C'est tellement magique d'en voir les images s'animer dès que l'on en tourne les pages ...

Et c'était ainsi, depuis un an environ, très tôt le matin ; ô, pas tous les matins, parfois. Mais .... le parfois est tellement de trop, déplacé, très déplacé dans son cas.

Depuis, Cassandra est toujours une petite fille rieuse, gaie, mais il y a quelque chose de brisé en elle, comme un pantin que l'on a désarticulé, mais qui garde quand même un sourire sur sa face peinte.

Pour une personne avertie ou très réceptive, il y a pourtant des signes, mais comment peut-on s'imaginer, comment peut-on imaginer l'indicible ... surtout quand l'enfant qui a la grande faculté de vivre dans le présent immédiat, occulte pour la journée les mauvais rêves de la nuit ...