Nouvelle sensation ou pensée ?

Démêler l’émotion du raisonnement est parfois bien trop difficile. L’accumulation d’émotions laisse à penser, les pensées qui font strates deviennent ressentis profonds.

Je crois que j’en ai assez de la douleur, des crasses de la vie, des maladies, des morts, des cœurs, des corps meurtris. Je n’en peux plus des larmes, des palpitations, des arrêts cardiaques à lire les mots cruels. Je n’en peux plus de la souffrance écrite, je me dégoûte moi-même. Que la douleur existe dans le monde réel me suffit amplement à me noyer dedans. Les livres, les films, même les courtes nouvelles me fatiguent. Je n’ai plus envie de partager l’horreur.

Je rêve à nouveau de gnangnan, de niaiseries, de feuillages enroulés, du murmure de l’eau claire qui coule lentement, des oriflammes bruissant des peupliers fragiles, des abeilles, comme avant, menaces des enfants, mielleuses entremetteuses. J’veux des pétales éclatants, des brises salées marines, des grains de sables collants, des chemins refermés par les ronces fruitées, des soleils levants au petit déjeuner. J’veux des bises, des bisous, des baisers, de gentilles attentions, en donner et en prendre. Ce doit être le printemps, j’en ai marre des vrilles, j’appelle la douceur, le bien-être, la tiédeur, tant pis si je m’enfonce dans l’utopie sénile.

Et puis demain, sûrement, je redeviendrai l’éponge de tous les chagrins des humains qui survivent, donc des miens. De temps en temps je l’essore pour qu’elle puisse à nouveau nous servir.