Pauvre bâtard

jacques-sullivan

Je suis vieille, je vais bientôt crever. Mais avant de claquer, je veux mettre fin à une plaisanterie qui a assez durée.

Ma famille m'a éduqué dans une grande austérité, la vie était faite pour travailler, pas pour s'amuser. Les terres étaient arides, il fallait sacrément trimer pour en sortir quoi que ce soit de mangeable. Mais à mon adolescence, mes instincts m'ont révélé qu'il y avait d'autres façons de voir les choses. C'est surtout le regard des hommes sur ma croupe naissante qui me l'a indiqué. Tous ces regards lubriques, pervers, vicieux, tout ça m'excitait au plus haut point.

Mais j'ai vite compris que si je voulais assouvir mes désirs en toute tranquillité, sans fausse culpabilité, sans mépris de la part des autres, il fallait que je me trouve un mari. Ce que je voulais, c'était un jeune étalon fougueux, un gaillard bien solide, qui puisse m'en coller une quand je dépasserais les bornes, me prendre dans tous les sens, des poils en veux-tu en voilà, des muscles saillants, bandés comme la bite d'un taureau devant le cul d'une vache en chaleur.

 Il était beau, il sentait bon, mon brigand. Vingt ans, la fleur de l'âge, la moitié de sa longue vie ! Il avait de la verve, il a plu à mon père, il était jeune, il a plu à ma mère. Le soir du mariage, je ne pouvais plus attendre, j'avais déjà quinze ans, ça faisait trop longtemps que je voulais qu'un homme me fassent les mêmes choses que ce que faisait mon père avec les putes du bordel d'à côté. Fête de mariage, pendant le banquet je l'ai embarqué à la maison. Il était costaud mais une fois sans vêtement, surtout un peu nigaud. J'étais à poil, les seins dressés, mais lui avait la queue mollasse. Impossible de me la rentrer… Il avait sûrement déjà trop bu. Je l'ai astiqué, branlé, pris en bouche, l'ai insulté, me suis touché, mais rien n'y a fait. Il bandait mou le salaud. Je lui ai jeté ses frusques à la gueule en lui disant de retourner à la fête, j'avais des retouches de maquillage à faire.

Cinq minutes après qu'il soit parti je suis sortie à la recherche d'un homme, un vrai, avec un chibre bien dur. Facile, les légionnaires courraient déjà les nuits à cette époque. Au coin d'une rue, je rentre dans un, barbu comme un sapeur. Et moi, qui étais à moitié à poil pour faciliter les rencontres, je l'ai laissé me mater comme un gros vicelard, je l'ai laissé me pousser dans la ruelle sombre, déchirer ce qui restait de ma robe, et enfin, me la foutre bien profonde.

Après quoi, je suis retourné à la cérémonie, rien à déclarer.

C'est deux mois plus tard que je me suis dit qu'il y avait un souci. Mon salaud de mari s'était révélé être un enfoiré d'impuissant. Incapable de bander l'animal. Je lui ai même tâté la prostate, rien n'y a fait. Pourtant, je n'avais plus mes règles. J'en ai parlé à ma mère, elle m'a alors félicité ! Félicité ? Pourquoi ? Parce que tu es enceinte pauvre idiote ! Douche froide. Évidemment, elle ne savait pas que mon mari ne pouvait pas remplir ses devoirs conjugaux...

Je suis retourné à la maison, il m'a paru encore plus bête que d'habitude. Plus je le voyais, plus il me semblait stupide. Du coup, j'ai décidé de lui faire une blague.

                                         "J'attends un enfant de Dieu".

Bah vous savez quoi ? Il m'a cru ce con ! Peut-être que j'étais la première femme infidèle à utiliser cette excuse… C'est peut-être pour ça que beaucoup nous ont cru après ça… C’était dur de ne pas rigoler quand j'annonçais ça aux gens ! Bien sûr je le cachais, maintenant que mon mari y croyait, je me gardais bien de révéler le pot-au-rose…

Avec tous ces gens qui se sont mis à attendre son arrivée, je ne pouvais plus revenir en arrière. Peur de la honte, de devoir fuir si je disais la vérité. Je l’ai alors aussi laissé croire n'importe quoi une fois qu'il a grandi. Et puis, c'était un bon garçon, il se sentait doté d'une mission de bonté. Il voulait faire le bien autour de lui, il y croyait. Malgré la pourriture ambiante générale…

Beaucoup de gens sont morts pour son combat, lui aussi, et ça, je ne me le pardonnerai jamais. J'ai causé de l'espoir mais surtout du désespoir par ce qui n’était au départ qu’une blague. Je vais mourir et je ne veux pas partir en laissant le monde croire mes inepties de jeune fille moqueuse. Je souhaite que la vérité éclate au grand jour :

                                             Mon fils n'était qu'un bâtard.

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