Big red machine

chevalduvent

Le sang chaud sur mon visage, lavé d’un malentendu. La fin d’une crise.
Le gars était installé dans le prolongement du bar, avalé par la pénombre. Un verre à la main, je sculptais des yeux les formes de Lew, mimée par son ombre qui convoitait l’échappée au moindre jaillissement de lumière. Il y avait aussi cette machine au fond de la pièce. Elle capturait mon regard. Une machine rouge à hauteur de table, le toit en demi-lune. J’avais abordé Lew dans l’espoir de l’identifier. Sans succès. Ma jolie serveuse s’était soudainement écartée, sans doute pour fuir l’odeur de mon cigare et ses volutes de fumées qui s’écrasaient en balai sur sa joue. Peut-être était-ce pour d’autres raisons.
Je sentais grandir le foetus de l’ivresse à mesure que je nourrissais le vice. Cul sec. L’euphorie n’était pas loin. Et toujours cette machine, magnétique, envoûtante. Elle me possédait. C’était le diable.
La gravité aspirait mon bas-ventre tandis que je m’appuyais sur ce meuble collant que j’épousais du coude depuis un bail, pour aller pisser. J’évitais alors un projectile s’échouant sur le simple vitrage de la porte d’entrée. Puis une douleur. Le poing d’un homme. Les os de la mâchoire qui claquent. Je l’avais fixé. J’étais une raclure.
L’agression n’impliquait pas qu’une douleur soutenue me torturant la façade, elle avait ses vertus; vidé, j’allais enfin parvenir à dormir. Au moins cette nuit. Gisant comme un tapis sur un carrelage froid je pensais à ma femme, June. Elle m’avait rayé de la carte. Bizarrement, je continuais à fixer Lucifer dans sa robe rouge. Je flippais à mort mais j’étais décidé: j’allais parcourir les trois mètres qui me séparaient de la machine infernale.
Jonnhy Cash a balancé d’un coup sec son Get Rhythm, distillant de l’adrénaline jusqu’aux confins de mes extremités. Un Juke-Box. Rouge. Je me suis fendu la gueule, j’ai poussé les tables et j’ai dansé à m’en rompre les genoux. La vie est courte putain.

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