Petits bonheurs

La mer est douce ce matin
Elle caresse les rochers
Comme pour se faire pardonner
De sa fureur d'hier
Tendre acharnement
Du flux et du reflux
Belle et douce fusion bleutée

Placide en ses strates
Immuable dans le temps
Le pont semble les surveiller

Mouvement de va et vient
Deux corps à l'accalmie
Se rendant enfin

Plus qu'une photo
Mon crayon
Pour aviver mes émotions
A fleur de cœur
A fleur de peau
Griffonner l'instant
Sur un papier déniché
Ma rétine inscrit
En un éclair
Toute la magie du moment

Merveilleuse aquarelle
En dégradés de bleus
Ciel rejoignant la mer
Sable presque blanc
Brillant de tout son mica
Sable humide
Moelleux
Velouté
Comme un sexe apaisé
Ou peut-être
Encore un peu assoiffé ...

Par endroits
Le flot furieux a creusé des ornières
Où se sont réfugiés coquillages
Et petits crustacés
Algues en cheveux
Dégoulinants des rochers
Blancs
Polis de mille caresses
Ou noirs
Contraste saisissant
Ils entourent
Le grand pont de légende
Fourmilière de sujets
Réclamant sans doute
Sa protection

Toi, l'inconnue
Tu fixes
Emprisonnes
Tout comme moi parfois
La précieuse image
Si changeante
Tout autrement.
Peu importe la façon
Nos yeux en garderont le souvenir
Sans jamais se lasser
Les rêveront certainement
Encore et encore
Flux et reflux de nos désirs

Eole, le dieu des vents
Taquine mes cheveux
Frissonne sur ma peau
En un baiser sensuel
Je me saoule à son souffle
Et je cours, je cours
Ivre de liberté
Je la respire à pleins poumons

Au détour d'un chemin
L'indien
Sentinelle de bois
Totem
Insolite en ce lieu
Garde la côte
Sous sa coupe muette

Là, sur le banc
Le lecteur assidu
Fidèle à son poste
Réincarnation de Chateaubriand
Songeur
Ou peut-être bien de Victor Hugo
Avec ses longs cheveux blancs
...Je passe sur la pointe des pieds
D'un trot que j'essaye léger
Surtout, ne pas le déranger

Plus loin
Le chemin des douaniers
Merveilleux petit bijou
Aux murets de pierre
Incrustés au ras du vide
A nous en donner le tournis
Sinuant
Au flanc des roches déchiquetées
Où la mer, souvent
Bat un tempo enragé
Amenant avec elle
Comme pour montrer sa force
S'il le fallait encore
D'énormes troncs
De bois blanchi
Torturé

Tout au long de la côte charentaise
Ces cabanes de pêcheurs
Les carrelets
Typiques avec leurs grands filets
Tels des gardes en faction
Surplombant l'océan
Ou les pieds dans l'eau
Sur des échasses

Grimpé l'escalier de pierre
Aux soixante deux marches
Avant ces rues d'antan
Aux maisons anciennes
Si charmantes
Où flotte encore
Un parfum de mystère

Voilà

"Les flots bleus"
Perdue
Dans son jardin en pagaille
Abandonné aux herbes folles
Et au vent marin.
Dans l'air, le parfum
Si merveilleusement entêtant
Du chèvrefeuille
Et flotte encore la suave odeur
De la glycine mourante ...

Invisibles
Les oiseaux chantent
Dans les arbres
Aux différentes essences
Petits palmiers
Semés à l'ombre des grands pins
Figuiers à l'ombrage non discipliné
Poussant en désordre

Puis les deux "Maroussia"
Au nom qui fleure bon l'exotisme
Je les imagine avant 1800
Maison de maître altière
Elégante
En ses corniches ciselées
Maison d'esclaves ou de domestiques
Si brune en ses croisillons de bois
Sur le ponton de celle-ci
A demi-effacé :
"Maroussia case"

Mais c'est "Frivole"
Au détour de l'allée !
Que de promesses
Tenues ou non tenues
Derrière ses murs ...
Rien que le nom
Evoque éclats de rire
Cavalcades
Frous-frous parfumés
Dans ses escaliers...

Tout en bas
La petite ville
Entrave un instant mes pas
Ma course effrénée
Mais mon esprit
Déjà s'échappe
Il rejoint le grand parc
Et sa nature sereine
Son petit étang
Avec ses grands roseaux
Ses canetons
Ses rives
Bordées de fleurs
Belles et rebelles
Genêts, liserons
Fleurs de trèfle si sucrées
...Un souvenir d'enfance...
Toutes en couleur
Poussant anarchiquement

Ses saules centenaires
Se dressant droits et fiers
Avec leurs rejetons
Le vent sur eux
N'a pas d'emprise
Vestiges imposants
Enormes
Du passé

Et les hirondelles
Merveilleux oiseaux
Légères
Si aériennes
Me frôlant
En un ballet divin
Heureuses dans le soleil

Petits bonheurs
Si simples
Si régénérateurs
D'un matin ensoleillé
Avec la mer dans son écrin
Au visage si changeant
Selon son humeur du moment

Un morceau de campagne
Fraîche, reposante
Le tout, en un cadeau
A portée de regard
A portée de main

A portée des sens ...