Plaidoirie vers les étoiles

sophie-dulac

Plaidoirie vers les étoiles

« Du chaos naît une étoile » Charlie Chaplin

Je me réveillai ma chemise mouillée de rosée, le dos endolori, la bouche sèche, une migraine coriace cerclant mes tempes. J'étais couchée au beau milieu d'un champ d'herbes sauvages, le cœur battant la chamade, je me redressai et essayai de reprendre mes esprits et découvris ma voiture garée en contre bas du chemin.

Je réalisai alors que je connaissais ce lieu, je venais souvent ici en solitaire observer les étoiles. A une poignée de minutes de la ville, éloignée de la pollution lumineuse des néons et des panneaux publicitaires, je m'accordais certains soirs une pause bucolique salvatrice dans ce pré qui était devenu mon observatoire privilégié.

Je descendis alors jusqu'à mon véhicule, l'esprit embué à la recherche pressante d'un peu d'eau. Je trouvai une bouteille dans la boite à gants, je bus à grandes gorgées, m'aspergeai sommairement le visage avant d'entrevoir par un douloureux flashback quelques miettes de ma rencontre de cette nuit qui j'en avais maintenant la certitude changera à jamais ma destinée et bien plus encore.

Ils m'étaient apparus débarquant d'un arceau de lumière. Ils étaient dix, dix sages qui voyageaient de galaxie en galaxie pour répandre leur merveilleux savoir. Cette connaissance ultime devait être distillée avec parcimonie et prudence car si elle pouvait détruire autant que construire, elle apporterait l'équilibre et la prospérité ou un chaos brutal qui mettrait fin à notre espèce.

Je serais bien présomptueuse de prétendre que les sages étaient venus des nébuleuses pour ne sonder que mon âme. Ils étaient venus sonder l'âme de l'Humanité pour savoir si nous étions enfin préparés à recevoir ce grand savoir.

Et ils virent, ils virent Hiroshima, les camps de concentration, les chars sur la place Tian an Men, l'Afrique qui hurle de faim et de maladie, des peuples entiers exsangues de misère, des geôles de tortures et de sang, nos océans viciés, notre planète écorchée. Ils découvrirent notre concupiscence, notre insolence, notre égoïsme.

Navrée par ce sombre constat je me lançai dans une plaidoirie requérant compréhension et indulgence.

Je leur parlai du Guernica de Picasso, du violoncelle de Rostropovitch sur les ruines du mur de Berlin, de Soljenitsyne et de son Archipel du goulag. L'espèce humaine essaie toujours de trouver des leçons de ses échecs, chaque homme est une humanité, une histoire universelle.

Mais n'y fit.

Je restai là maintenant adossée au capot de ma voiture regardant l'aube se lever, les premiers rayons du soleil caressaient déjà mes joues. Au delà de mes courbatures, je ressentais de la tristesse mais aucun sentiment de désespoir et d'accablement, étrangement je me trouvais plutôt apaisée et sereine.

Quand soudain j'eus un second flash-back, comme un souffle au cœur, un brûlant pressentiment.

Ils reviendraient, nous avions un siècle, un siècle pour essayer de faire un monde meilleur.

Nous étions plusieurs à avoir eu la même vision cette nuit là, nous étions plusieurs à avoir la certitude que le monde allait changer, l'espoir était entre nos mains.

Au volant de ma voiture, je n'éprouvai ni crainte, ni appréhension face aux défis que nous devions relever, il me suffirait de retourner contempler les étoiles.


« Chaque homme est une humanité, une histoire universelle. » Jules Michelet

Signaler ce texte