Purgatoire

Susanne Derève


Aimais les dernières feuilles rousses

aux arbres

 

de celles qui s'accrochent

aux branches nues comme un adieu  

tandis que l'hiver facétieux fait table rase

des feuillées,

 

s'étiolent  dans un souffle 

que   la lune  ranime

d'un pâle éclat de givre dans la nuit

de Janvier

 

Aimais les froids  matins d'hiver, 

ensommeillés de gel, 

le tintement grêle de la  cloche  à midi

zébrant  le ciel à la volée,

d'un bleu de porcelaine

plus pur qu'au plein d'été

 

Et sur le parvis glacé  dessous

la flèche du clocher les messieurs

à  bedaine et les dames serrées

dans leurs manteaux de laine 

                                                 noirs   

     

les enfants  lorgnant

les flaques du trottoir

avant d'aller docilement s'asseoir

près du bedeau

(en purgatoire)

 

 Aimais par-dessus tout

pendant ce temps

– étais-tu suspendu à l'instant ? -

paresser au lit avec toi

guetter le froissement  silencieux

du dégel 

 le floc  des paquets  de  neige

chutant  mollement des toits

 

Aimais le désordre des draps  

et  le va et vient de tes doigts

sur ma peau

là où nait le désir qui vous emporte

sur son aile comme un oiseau

 

l' aile du désir est  si pure

je la confisque   

 

aux anges en robe de bure

veillant le carré des fidèles

tandis qu'aux cantiques se mêle

de nos ébats le doux murmure

 

 

 

Peinture :

Giotto di Bondone Birth of Jesus (detail of angel calling the shepherds), 1304-06. Scrovegni Chapel, Padua


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