Quand Babou prenait son pied...

veroniquethery

  La vie de Sylvain Panard n'est vraiment pas commune. Tout commença pour lui à Saint-Jean-Pied-de-Port, aimable commune des Pyrénées-Atlantiques, située au pied du col de Cize. Sa mère Babouchka Courtepointe, une jeune Piémontaise de haute lignée, avait été envoyée là par ses parents honteux de son déshonneur. Elle avait, en effet, commis le péché de chair, sans être mariée, piétinant des générations de piété familiale. Si cet encombrant fardeau n'avait pas eu la fâcheuse idée de venir se loger dans son ventre, la charmante donzelle n'aurait pas aussi amèrement regretté d'avoir pris son pied avec ce séduisant savetier. Hélas ! Tout ne marche pas toujours comme on l'espérerait. Tout le jour, assise sur un escabeau sous l'arche de l'église, elle faisait le pied de grue. Le moine, un vieux calcéologiste, lui avait donné pour mission de l'avertir de l'arrivée des fidèles. Il faut vous dire que la ville se situe sur la via Podiensis, l'une des routes du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle.

  Aussitôt qu'elle apercevait l'un des pénitents, Babouchka devait se hisser sur un piédestal afin d'atteindre le cor, qui y pendait. Puis, elle devait en jouer et faire retentir à sept reprises l'instrument à vent. Or, depuis trois mois qu'elle attendait, point de voyageur ! Après avoir compté les pieds d'alouette, elle finissait par piquer du nez et il faut admettre que l'on connaît peu de mission aussi casse-pieds.

  Or, un jour, il advint qu'enfin parvint un pèlerin. Il s'agissait d' Œdipe, qui avançait clopin-clopant. Que venait faire ce pied grec aussi loin de sa patrie ? C'est fort simple. Abandonné par sa fille, lassée de trottiner à ses côtés comme une pauvre mule, il cherchait un pied-à-terre et l'idée de fouler le sol des Pyrénées le botta. Voilà qui prend à contre-pied tout ce que vous savez des mythes ! Mais, si vous prenez au pied de la lettre tout ce que l'on vous raconte, alors sachez qu'on risque de penser que vous êtes bêtes comme vos pieds.

  Lors, Œdipe était fort âgé. Il n'est même pas exagéré de dire qu'il avait déjà un pied dans la tombe. C'est pourquoi, en le voyant, Babouchka renonça à sonner du cor et elle préféra s'élancer vers le vieil infirme afin de l'aider avant qu'il ne soit six pieds sous terre.

  Ce qu'elle ignorait, c'est qu' Œdipe était aux antipodes de ce qu'elle croyait. Ce va-nu-pieds en avait encore sous le pied ! Aussi, dès qu'il aperçut Babouchka, il mit tout de suite les pieds dans le plat et se mit à lui faire de l'œil. Voir cet aveugle tenter de lui faire du genou, voilà qui ne pouvait que lui faire perdre pied et les eaux. C'est ainsi que naquit Sylvain, au pied levé !


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