Quand demain...

Quand demain me reniera. Qu'au fer et au feu l'on voudra m'unir et m'étreindre. Un de ces jours pestiférés au relent de fièvre séreuse, je m'en irais là-bas, un peu plus au nord.

Où le ciel vomit des nuages en dentelle de brume, qui s'étale enjôleuse le long des roches abrasives. Je laisserais la baie saumure me reconnaitre et gémir à mon front le souffle de la galerne, l'anguille se faufiler entre mes pas lourds pour t'annoncer mon retour.

Quand demain me salira. Que de sa langue boursouflée la rumeur galopante me chaloupera hors de la ville. Une de ces minutes blêmes aux lueurs d'un soleil blafard, j'abandonnerais ma porte à la poussière des craies blanche pour te retrouver sur un tronçon de granit froid.

Je viendrais à toi chemise ouverte, le spectacle de mon torse nu offert aux larmes du héron cendré, et confierais en chemin mes regrets aux chabots et aux chevesnes pour qu'ils les noient sous la coque des bateaux percés.

Quand demain m'oubliera. Qu'il ne me restera qu'un pan de manche pour éponger ma tristesse et le chant des conques pour me bercer. Un de ces derniers élans pour me pousser en avant. Je rêverais mon dernier souffle, mon dernier râle, dans la sueur de tes jupons en corolle.

J'atteindrais les pierres fossiles sous les reflets des vitraux et tes rubans rouges effilochés seront mes boussoles. Je te rejoindrais sur la pointe des cimes, bien loin des voiles d'écume, et gouterais le sel de tes lèvres bleuies avant l'aube.

Quand demain s'éteindra. Que j'offrirais à l'azur mon regard déclinant, les mouettes emporteront ton rire, et les goélands les mèches d'argent de ta chevelure. Un de tes sourires chantera au vent la fin de notre amour, nous mêlerons encore nos salives au son des cloches de métal, avant que la grande vague nous emporte une dernière fois au loin des jonques ensevelies et des ancres de jade.