Retrouvailles

Elle est là, devant moi, superbe, étincelante et sauvage. Chaque année elle me tend ses bras aux mille nuances de bleus. Elle m'accompagnera, comme toujours, tout au long de mes pérégrinations sur l'ancien chemin escarpé des douaniers, selon ma joyeuse ou triste humeur du moment, mes divagations jetées sur le petit carnet : nature capturée par mes yeux, mes sens ; parfum, nostalgie d'amours lointaines...

Trop belle dans ses bleus, turquoise ou pastel, mais, un rien ténébreuse ce matin lorsque mes pas me conduisent près des rochers qu'elle déchiquète à plaisir. Elle les fouette et leur son sourd, monte de leurs entrailles torturées, comme un message de sa part. Elle semble me dire :
-Te voilà enfin, tu as été si longue, si longue à revenir...

Jusqu'à moi, monte son parfum âcre, exacerbé. Odeur d'algues abandonnées, de poissons invisibles, fragrances salées venant en vaguelettes me flatter, m'étourdir, m'envelopper toute entière.

Tu t'enivres, tu t'offres à elle en ce lumineux matin. Tes bras en croix, tes yeux, ta bouche, tout ton corps se donne à ces vents qui n'appartiennent qu'à elle.

En ton for intérieur, tu sais qu'elle t'accueille : conque ruisselante, exaltée, et pourtant...lorsque ton corps la rejoint les après-midi brûlants, ton cœur, de crainte, frémit, car tu sais qu'elle peut, la traîtresse, te rouler, d'abord gentiment, dans son écume douce de lait...ou t'emporter au loin ! Elle te fascine, t'attire et te fait peur tout à la fois.

Mais tu la rejoins toujours...c'est comme un amour, une passion, tu n'y échapperas jamais !