Tu me manques
Stéphan Mary
Je suis allée sur ta tombe tout à l'heure. Je sais, là où tu es tu t'en fous mais je te ferais remarquer que tu es dessous alors respect. J'ai un peu fait le ménage, suis allé piquer deux fleurs dans un pot à côté. Comme elles me bravaient du regard avec leurs racines, je les ai plantées. Prendra, prendra pas, on verra plus tard, on s'en fout toi et moi n'est ce pas ? On n’accordait pas trop d'importance à ces choses là.
Alors est ce que tu danses là haut ? Un petit pas de deux en pied de nez, ça ne m'étonnerait pas. Dis moi, tu aurais eu un an de plus aujourd'hui, ça te ferait... d'accord, je ne dirais rien mais quand même ! Ca ne nous rajeunit pas tout ça. De toute façon, le monde actuel ne t'aurait pas plu. Tu aurais râlé chaque jour davantage, tu aimais bien râler et ça me faisait sourire parce que c'était toi. Tu aurais inventé des chorégraphies tourmentées, des danses au premier degré pour que tout le monde comprenne bien que l'on est vraiment dans un monde stupidement grossier, infiniment malheureux. Et puis, subtilement, tu aurais dansé avec tendresse, beaucoup de tendresse, pour toi, pour tes danseurs, pour tes publics. Tu étais partie pour faire une brillante carrière, tu avais le talent, le travail et le génie de t'entourer. Tu m'aurais téléphoné en me disant "Mon bichon, viens, ça va être bien" et je serais venu, discrètement, ne pas dévoiler que j'étais ton "jardin secret" comme paraît-il tu m'appelais quand on te demandait à qui tu téléphonais. Ton jardin secret...
Je sais que tu me voulais pour toi toute seule, d'ailleurs tu t'es bien débrouillée pour que je ne croise jamais une de tes amies avec qui j’aurai pu avoir une vraie belle histoire de ton vivant, canaille, mais de là à en faire ton secret ! Bon, de toute façon c'est du passé et puis ça a eu le mérite de me faire rire. Et on a beaucoup ri tous les deux. Tu te souviens des parties infernales de dames chinoises quand tu prenais ton bain ? Ça durait des heures. Oui je sais tu gagnais tout le temps mais je m'en fichais, nous adorions ces moments là.
J'aimais aussi les moments que je passais près de toi, dans la salle de répétition, assis dans un coin avec un bon bouquin, jetant de temps en temps un oeil sur ton corps longiligne que tu mouvais en cherchant ta prochaine création. Tu étais une bien belle artiste ma chérie, bien belle. J'adorais me perdre dans tes yeux bleus, dans tes mains aux longs doigts effilés. Tu sais que j'ai totalement mémorisé ton intérieur, ta cathédrale. J'ai encore le souvenir de nos nuits dans mes mains. Là à l'instant, je sais la contraction de tes muscles, je sens ta chaleur. Je savais qu'il me fallait faire très attention, être très doux. Je l'ai été tout au long de ces années. Nous nous sommes aimés seize ans, j'ai compté. Si cette saloperie de cancer ne s'était pas emparée de toi, ça ferait... oui, ça va, je me tais. Tiens, quand tu es décédée, tous ceux qui t'entouraient ont voulu te rendre hommage. Je ne pouvais pas être là mais j'avais écrit ça pour toi. Je te laisse en prendre connaissance et te salue mon amie. Saches que je t'aime toujours et que tu me manques, beaucoup. Le temps amoindrit la douleur mais n'efface pas les souvenirs. Je t'aime et t'aimerais. Dors bien.
Mort fine
La danse t'as marché dessus
T'as fait l'amour violemment
T'as couru t'en as vécu
Te sens trahie passionnément
Morphine coule
Dans tes veines
Mort fine coule
Leurre de scène
Allongée sur ton lit
Ta mort esquisse le geste
Des draps penchés sur ta vie
Ou sur ce qu'il en reste
Morphine coule
Dans tes veines
Mort fine coule
Leurre de haine
Ça métastase brutalement
Corps pourri et méprisé
Ta bouche éructe en soupirant
Un souffle de vie bousillée
Morphine coule
Dans tes veines
Mort fine coule
Leurre de gêne
Puis cette saloperie de maladie
S'est acharnée plaisamment
A te faire sauter du lit
Histoire de finir c'qu'il y avait de vivant
Mort fine coule
Dans tes veines
Mort fine coule
Leurre extrême
Au loin tes yeux très très bleus
Qui regardent en dedans
Paysage triste et heureux
D'une presqu'île au firmament
Mort fine coule
Dans tes veines
Mort fine coule
Leurre de reine
Maintenant que c'est fini
Paraît que c'est comme ça qu'on dit
Je te souhaite un bon voyage
Au ciel bleu de tes images
La morph ne coule plus
Pas de veine
L'amorphe ne vit plus
Que de peine
Tous les soirs je regarde une étoile
En me disant que c'est peut-être toi
Peux pas m'empêcher de verser une larme
En souhaitant que tu penses à moi
En souhaitant que
Tu penses
A moi.
J'adore, c'est vraiment bien raconter. Ça m'évoque des choses.. Vous avez un don pour écrire dans ce style moderne et décalé qui vous va si bien ! Bravo. CDC
· Il y a plus de 11 ans ·mlleash
ton texte dépeint avec talent ce mélange d'envie de ne pas oublier le passé pour maintenir en vie l'être cher disparu, et ce sursaut de conscience qu'une communication banale avec l'autre ne peut se situer dans sa tombe...
· Il y a plus de 11 ans ·eleanor-gabriel
très triste, très beau.
· Il y a plus de 11 ans ·tendresse
"Un seul être vous manque et tout est dépeuplé" !
· Il y a plus de 11 ans ·J'aime bien ta version tendre et passionnée
sophie-dulac
Très beau, elle danse pour toi, sur les nuages, petit jardin secret, qui roule et se déroule au fil des vents. Sous ses voiles,qu'elle fait virevolter, elle continue à faire des entrechats pour vous deux! Coup de cœur pour vous.
· Il y a plus de 11 ans ·Yvette Dujardin
L'émotion est là, c'est beau tout simplement.
· Il y a plus de 11 ans ·marielesmots
L'autre qui vit en nous à jamais, continue de nous faire sourire et de nous faire pleurer, l'amour ne meurt jamais !
· Il y a plus de 11 ans ·cdc
Michele Hardenne
C'est d'une si tendre amertume, d'une douceur en vaguelettes. Je crois bien que j'ai envie de pleurer sur ce coup-là . Merci à toi Stephan
· Il y a plus de 11 ans ·Isabelle Revenu
J'aime...
· Il y a plus de 11 ans ·edouard-selarch
Magnifique hommage à l'être aimé. CDC
· Il y a plus de 11 ans ·Choupette