Une enfance
elisabetha
Une enfance, la mer. Une robe verte, un fard à paupières turquoise.
Du temps qui glisse comme de la soie.
Dix ans. Des parfums, des visages, la peur des nuits étoilées, l'envie de parler sans fin. Se taire est ce donc mourir?
La couleur et le murmure des mots qui habillent le regard et la peau. Les mots en abondance. Jusqu'à étouffer le silence du monde.
Vingt ans. Les seins en pomme, la jupe fendue, la peau mate. Une mer de regards, parure de velours qui vous offre le temps. Plaisir des jours, paresse des heures, nonchalance, légèreté. Passions éphémères, miroirs de la nuit, contre jours. Les mots rythment la blessure des cœurs.
Une enfance, la mer. Une robe verte, un fard à paupières turquoise.
Ne dire que ces seuls mots. Mais la mémoire est une complice exigeante. Il lui faut des dates, des histoires, des visages. Le murmure du temps, l'ombre des regards. C'est un grand jeu de Monopoly où l'on revient toujours à la case «Départ". J'achète des buvards jaunes et bleus pour sécher l'encre de mon "Sergent Major". Mais j'ai toujours les doigts tâchés et j'écris avec frénésie ce que m'apprend la vie. Inventer des histoires et conjuguer l'imparfait.
Si j'étais les nuages roses et blancs qui parcourent ces ciels de dentelles, si j'étais ce vent aux senteurs de rose qui rafraichit mon corps brulant, si j'étais la cuisine de ma mère et ce parfum inégalé d'un gâteau qui sent la pâte chaude et les zestes d'orange, si j'étais le chocolat du petit déjeuner et le canard au rhum du coucher, je n'aurais pas besoin de grandir d'aimer et de souffrir.
Grandir. Dire non à sa mère, oui à son père. Hésiter entre jalousie et puissance. Cultiver ses idées dans le parterre des autres. Ajouter un anniversaire à un autre dans ces répititions joyeuses de fêtes où personne ne manque. Et puis un jour le manque devient cette mante religieuse qui se nourrit de nos souffrances et enlace le temps d'un voile noir. Ici commence une autre histoire.
Le regard fier ou le regard perdu, l'aveu nous déchire: " Adulte". Défaire ses rêves, refaire ses comptes. Voler sa liberté. Créer d'autres vies. Garder ses silences, pleurer ses mots.
Une enfance, la mer. Une robe, un fard à paupières turquoise. Un inventaire obsédant qui tournoie dans les couleurs du temps. Murmures essentielles, objets frivoles. Mer verte, robe turquoise, enfance fard. Jouer, jouer entre point et virgule. Danser, danser dans cette paupière qui bat le sang de mon amour.
merci astrov. Je l'écouterai.
· Il y a plus de 11 ans ·elisabetha
Très belle description de l'enfance: Merci! Je me permet de vous conseiller la chanson d'Isabelle Mayereau " l'enfance". Elle est sur internet et n'a pas vieilli!
· Il y a plus de 11 ans ·astrov
merci Antoine. J'ai mis beaucoup de mon "moi" inconscient dans ce texte, où les verbes semblent plus nombreux que les adjectifs(c'est ma "sensation" je n'ai pas vérifié) ainsi le verbe parle plus au cœur que l'adjectif.
· Il y a plus de 11 ans ·elisabetha
Belle évocation, bel écrit sur les réminiscences, profond ! ça m'évoque la Méditerranée...merci,
· Il y a plus de 11 ans ·Antoine
almodovaro
merci marienat.
· Il y a plus de 11 ans ·Tu es la deuxième à vouloir me mettre en coup de coeur mais ça ne passe pas.
En tout cas ça ravit mon coeur à moi.
elisabetha
chère marieles mots
· Il y a plus de 11 ans ·je suis ravie de te revoir . Les émotions sont mon espace priviligié.
elisabetha
merci venom pour ton commentaire. j'espère que ce texte permettra à d'autres de plonger dans leurs propres souvenirs(heureux)
· Il y a plus de 11 ans ·elisabetha
Mon coup de coeur du jour,j ai adoré le rythme de ton texte...l accroche rapide...c est très beau.respect...
· Il y a plus de 11 ans ·marie-nat
Très belles émotions , un texte qui remue, bravo à toi
· Il y a plus de 11 ans ·marielesmots
Puissamment évocateur de nostalgie. J'aime beaucoup.
· Il y a plus de 11 ans ·Merci pour ce partage Elisabetha.
ven
mon cher Paul
· Il y a plus de 11 ans ·Heureuse qu'un texte que je trouve quand même très "féminin" dans ses évocations rencontre une telle écoute, homme et femme.
Merci de ce long commentaire et de toutes les citations que tu m'as fait connaitre.
elisabetha
Chère Colette
· Il y a plus de 11 ans ·Merci pour ton enthousiasme. Il me touche.
Je crois que quand on écrit, on ne fait pas de différence entre ses textes, puisqu'on les crée, on les aime forcément.
Pourquoi un texte rencontre plus d'adhésion qu'un autre c'est toujours une surprise!
je crois par contre que je n'écris que lorsque je me sens capable d'être "branchée" sur mon inconscient. C'est comme si c'était lui qui m'écrivait.
elisabetha
Bonsoir Elisabetha,
· Il y a plus de 11 ans ·Un style enlevé, rythmé par une écriture Durassienne.
Le temps est un luxe que l'on cherche longtemps à préserver égoïstement, pour s'apercevoir, hélas bien trop tard, que le temps a passé et que notre vie est déjà loin derrière dans le souvenir de notre histoire. Il faut que l'on secoue la rouille de notre "immémorescence", et surtout, ne jamais tuer l'enfant qui vit au fond de chaque âme. C'est là une des plus belles sagesses de l'Homme. La mémoire de l'oubli, appartient à Dieu.
(Paul Stendhal)
L'Amour est comme un peintre qui oublierait chaque matin, dans son atelier, la vieille histoire du monde, pour saisir une fleur éternelle dans le tremblé de l'air.
(Christian BOBIN)
Un texte tout en délicatesse où les couleurs de la nostalgie voyage l'âme au pays des souvenirs, dans l'ingénuité de l'enfance, et dans la tendresse des mots.
Bien amicalement.
Paul Stendhal
Paul Stendhal
Quelle belle mémoire de l'enfance! Je suis sans mot, tellement émouvants les tiens!!! Un très grand CDC!Ces répétitions bien choisies et bien placées donnent de la force à ton texte! Bravo!
· Il y a plus de 11 ans ·Colette Bonnet Seigue
oui celui la même.
· Il y a plus de 11 ans ·elisabetha
Joliment écrit. Est ce le texte dont tu me parles dans ton commentaire sur "J'écris et je pars" ?
· Il y a plus de 11 ans ·Stéphan Mary