Vincent

Au pays des gueules noires, on l'avait vu prêchant

On l'aimait bien là-bas, au nord on l'appelait Vincent

C'était un nouveau Vincent qui soulageait ses frères

En voulant partager leurs peines et leurs misères

Il avait vu mendier, les enfants souffrant de la faim

Au risque de trépasser, il leur donnait son pain

Mais les "grands" n'aiment pas qu'on ait trop de pitié.

Vincent fut écarté pour avoir trop aidé, trop donné.

C'est l'âme ulcérée, ravalant sa sombre rancœur

Qu'il lui fallut quitter, les corons des pauvres mineurs

Son cœur d'apôtre est à jamais blessé et tourmenté

Il n'oubliera rien, il pensera toujours à sa vie passée

Au hasard de ses folles errances, l'art lui apparaîtra

Il s'élancera seul, éperdu dans un nouveau combat

Il luttera longtemps et sera interminablement incompris

Rien ne sera facile, rien ne sera acquis, même ses amis.

Et tout ce qu'il fera est plein de révolte et de violence

Porté par la fougue, au paroxysme et à la véhémence

Car l'ennemi qu'il cherche, c'est lui et il ne le sait pas.

Il ne sait pas non plus que son art est magnifique

L'amour de l'absolu en fait une œuvre mystique

Mais il doute de lui et veut toujours se dépasser

Dans un ardent délire, il aperçoit la vie, tourbillonner

Sous le soleil de feu, par touches, sa nature est embrasée

Et il est entraîné dans une ronde destructrice et effrénée

Au seuil de la démence, il veut se fondre en elle

Rejoindre les oiseaux qui tournent dans le ciel

Et là, dans la nature qu'il a tant peinte et aimée

Il s'abandonne, à la maîtresse suprême, délivré.