Viol ou pas ?

Yvette Dujardin

  J’attendais, au carrefour, le bus qui m’amènerait chez moi. J’avais passé toute la journée chez mes grands-parents paternels. La nuit commençait à tomber, c’était l’hiver, les jours plus courts. Un scooter s’arrêta devant moi et je reconnu un ancien voisin. Il me demanda si je voulais monter, il me ramènerait chez moi. Je refusais, lui rétorquant que mon bus allait arriver. Je ne le connaissais pas très bien, il était plus vieux que moi d’une dizaine d’année, de plus marié, deux enfants. Il habitait maintenant dans le centre ville, celle de mes grands-parents.

  Il insista, puis me demanda si j’avais peur. Ma fierté fut froissée, moi qui me targuais de n’avoir peur de rien auprès de mes amies. Plus jeune, d’ailleurs, je me battais avec les garçons, qui m’embêtaient.

  Je montais donc sur le scooter, derrière lui, il démarra vite et je du m’accrocher fort à sa taille, de peur de tomber, surtout dans les virages. Il ne disait pas un mot. Nous arrivâmes assez vite chez moi, et au moment où je pensai qu’il allait s’arrêter pour me faire descendre, il me dit : On va aller boire un verre chez moi ! Je protestais, puisque j’étais arrivé, mais il fit demi-tour avec sa bécane, et reprit de la vitesse. Nous retournions à mon point de départ, enfin plus loin, car mes grands-parents habitaient hors de la ville.

  Je me demandais pourquoi il faisait cela, car nous ne nous connaissions que de vue, et je pensais à sa femme qui allait se demander pourquoi, il amenait une gamine chez eux. De plus je ne buvais pas.

  Nous arrivâmes, il ouvrit la porte, alluma la lumière et rentra son scooter. Pourquoi suis-je rentrée, puisque il n’y avait personne chez lui. Ce que je lui demandais d’ailleurs. Il me répondit que son épouse allait rentrer d’un moment à l’autre.

  Nous traversâmes le couloir, au bout se trouvait une petite cuisine. Il ferma la lumière du couloir, puis la porte de la cuisine. Il activa le feu et me demanda ce que je voulais boire. Un verre d’eau fut ma réponse.

  Il engagea la conversation, mais je ne souviens plus de quoi nous avons parlé, car très vite il s’approcha de moi, je reculai, mais je fus arrêté par le mur derrière moi. Il essaya de m’embrasser mais je détournais la tête, le repoussant, en lui disant, bêtement : je n’embrasse pas n’importe qui ! Il se mit en colère en me disant : Je suis n’importe qui ? J’essayais de lui expliquer que je donnais des baisers qu’à mes flirts, ceux qui avaient mon âge. Mais il n’écoutait pas et derechef, il m’embrassa et essayait de passer sa main dans l’endroit intime de mon anatomie. Je luttais, pleurais, me débattais, mais il était plus fort que moi. Dans ma lutte je me retrouvais acculée contre la porte de la cuisine.

  Il me disait de ne plus crier, car il y avait à coté un notaire et j’allais l’alerter. Je criais de plus belle ; Au secours, au secours !

  Il me dit : de toute façon je t’aurais, j’ai le temps, ma femme ne rentre pas avant 10 heures.

  Il avait menti, tout calculé pour m’amener chez lui, et me violer. Je regardais le sol, m’imaginant à terre et lui sur moi, qu’avais je fais.  Pourquoi avoir cédé et ne pas attendre le bus. Tant de choses se bousculaient dans ma tête, tout en me débattant pendant qu’il essayait de me toucher partout. C’était la première fois que je me trouvais dans une situation pareille et de ma faute.

  Lui, voyant que je résistais, ouvrit la porte de la cuisine et me dit : Allez va- t-en, je te laisse partir.

  Mais je regardais le long couloir, noir, et je me disais que si j’y allais, il me coincerait là, et je n’aurais aucune chance de m’en sortir. Je pensais être plus en sécurité dans la lumière. Il se moqua de moi, puis voyant que je pleurais toujours, soudain il me demanda : tu es vierge ? C’est par un petit oui, que je répondis.

  Alors là, il paru embarrassé, et il dit : je vais te reconduire !

  Il alluma le couloir, prépara son scooter, je le suivis et dehors, au moment où il croyait que j’allais monter, je me mis à courir, à courir, comme si j’avais le diable à mes trousses, je l’entendais m’appeler, mais aucunement je me retournais. J’arrivais sur la place, et grâce à Dieu, le bus était là. Je montais vite fait, le cœur battant, en pensant à ce qui aurait pu m’arriver par ma sottise. Arrivé chez moi, après que je me sois retourné plusieurs fois, quelque fois qu’il soit là, à me suivre, je ne dis rien à mes parents, car je pensais que mon père aurait été fâché contre moi, à cause de ma naïveté. A cette époque je craignais très fort mon père, et ses colères.

  Beaucoup plus tard, avec l’âge, je compris que cet homme croyait que j’avais déjà eu des aventures, vu ma façon de m’habiller, très moderne pour l’époque et je paraissais plus âgée. De plus quand je me suis enfuie, je suis passée devant la gendarmerie, et il a du croire que j’allais porter plainte, mais à ce moment là, c’était plutôt une fuite éperdue et un soulagement d’avoir échappé à un viol.

  J’avais 16 ans, nous étions en 1961. Il aurait été condanné pour viol et séquestration sur mineure, car la majorité était de 21 ans, si j'avais porté plainte.

  • Yvette, merci pour votre témoignage. Vous n'avez rien fait de mal vous savez. J'espère que ce fardeau vous pèse moins. Je trouve triste que même de nos jours les policiers ne nous croient pas lorsqu'on porte plainte. Je l'évoque un peu ici: http://welovewords.com/documents/1996

    · Il y a plus de 6 ans ·
    New avatar beaut  du gothique 500

    pimentdouce

  • Un texte témoignage. Oui, que les filles et femmes qui subissent ça portent plainte !
    J'ai abordé le sujet également de deux façons différentes : http://welovewords.com/documents/salissures et une autre version dans "nouvelle année"

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Couv2

    veroniquethery

    • Merci louve, je viens de lire salissures. En effet il y tant de prédateurs, encore maintenant, à cette époque l'on ne parlait pas de ces choses là. Je ne sais pourquoi je ne suis pas rentrée dans la gendarmerie et de plus le poste de police était de l'autre coté. Panique, meme pas pensé qu'ils ne m'auraient pas cru, en 1961, la parole d'une fille contre un homme, ne valait rien. Enfin je n'en sais rien, j'ai couru c'est tout. Cordialement.

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Moi

      Yvette Dujardin

  • Fallait porter plainte, Yvette qui te dit qu'il n'a pas continué?

    · Il y a environ 12 ans ·
    Mariage marie   laudin  585  orig

    franek

  • Rien à dire, trop remuée. Zoé

    · Il y a environ 12 ans ·
    La main et la chaussure

    Stéphan Mary

  • Poignant témoignage Yvette, que de courage de nous le devoiler ici !

    · Il y a plus de 12 ans ·
    227181 215813755114370 100000572403239 798186 8056058 n

    andreadada

  • Merci à vous, touchée par vos commentaires.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Moi

    Yvette Dujardin

  • Remuée! Troublée! L'écrit pour que la chaleur embrase les maux, pour que la vie reste gagnante!

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Et  2011 264 orig

    mlpla

  • Moi aussi, si cela c'était terminé par un viol et perdu ma virginité, je ne pourrais en parler, enfin de cette façon. Mais ce n'est pas ta faute, comment se débattre dans une voiture? J'espère que par la suite, tu as pu en parler et te défaire de ce sentiment de culpabilité. Je t'embrasse.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Moi

    Yvette Dujardin

  • très émouvant pour moi car il m'est arrivé une aventure pareille avec un ami de mon père qui m'avait pris en voiture, j'avais confiance puisque c'était un adulte et un copain de papa et puis il m'a violée, je me suis laisser faire tétanisée. je n'ai pas portée plainte car j'ai culpabilisé de m'être pas débattue. Je ne pourrais même pas raconter cela

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Logo martine 54

    eglantine

  • Tahar je ne suis pas d'accord avec toi, de nos jours il est important, lorsqu'une femme, une adolescente ou un enfant parle à une personne de confiance, car cet homme peut tout ce permettre si il n'y a aucune sanction. Dans les années 60, cela aurait été ma parole contre la sienne. Nos lois ont changé heureusement, si c'était maintenant, crois moi je porterais plainte, et je ferais fi du scandale..

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Moi

    Yvette Dujardin

  • Comme toujours on culpabilisent les filles qui n'ont rien à se reprocher mais qui ont peurs de dénoncer leur agresseur ! Bravo Yvette !!!

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Version 4

    nilo

  • Merci mes amis, je n'ai jamais eu si peur que cette fois là. Et je n'ai oublié aucun détail. Cela m'a servi de leçon.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Moi

    Yvette Dujardin

  • Effectivement,c'est bien raconté!Je salue ta bravoure,malgré ton jeune âge.Et puis,c'est quand même bien de n'avoir pas porté plainte car n'aurait mené qu'au scandale.Bonne initiative!

    · Il y a plus de 12 ans ·
    1uyeik7vaygxk 92

    Tahar Yettou

  • C'est bien raconté, avec un affreux suspens... ouf la fin est plutôt heureuse ! Bien que montrant bien comment les victimes d'abus de confiance doivent garder un secret parfois bien lourd en pensant être coupables, avoir confiance n'est pas une faute si c'est de l'imprudence ? Merci pour ce partage Yvette ! Heureuse aussi de te lire !

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Camelia top orig

    Edwige Devillebichot

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