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iciailleurs

Compter jusqu'à cent, pour chacun des 99 précédents se remémorer l'instant où l'esprit s'est envolé et où le corps a toujours capitulé. Simon. Victor. Paul. Tiphaine. Tomas. Sacha. Sarah. Sophie. Bruno. Manuel. Katia. Vincent. Christophe. Florence. Xavier. Kristin. Marc. Muriel. Sandy. Sébastien. Et tous ces hommes, toutes ces femmes, des couleurs qui s'amoncellent, blanc nacre, peaux halées, corps noirs, sexes oblongs, lèvres rouges des queues englouties, orifices dilatés à l'extrême, tension des seins tirés vers le haut, bras ligotés sur les reins, jambes écartées, écartelées, complaintes arrachées, noyées du foutre blanc, crème, transparent ou presque jaune. Noyé sous la masse épaisse, dégoûtante, obsédante, enivrante, irrémédiablement attirante et séduisante de ces liqueurs d'homme ou de ses grandes eaux jaillissantes claires ou dorées. Pluie fine, crachin, orage ou tempête. Des bruits, hoquetés, des mots, psalmodiés, des sons, des phrases disloquées. Feuler, crier, supplier, murmurer, souffrir de plaisir, mourir pour renaître sous d'autres sexes, d'autres corps, d'autres regards. S’asseoir un matin devant sa messagerie, lire quelques actualités communes puis sans que l'on comprenne le mécanisme se retrouver sur des pages déconseillées, des images en intraveineuses toutes plus vicieuses les unes que les autres.

 Débuter doucement, composer le menu en sachant vers quoi on finira mais en préservant l'idée que "non, on pourrait finir par toute autre chose" que ce feux d'artifice qui vous prend les tripes, vous envahit l'esprit, inondant le cortex de ses drogues vaporeuses. Drogues douces ou dures. Soft, hard, Xtrem. Est-ce le corps qui commande pour étancher sa soif ? Est-ce l'excuse inconsciente que l'on se donne pour laisser les pensées aller librement là où elles ont toujours été attirées? L'interdit. Le spécial. L'extrême. Le particulier. Le détail qui nous fera partir. Anodin ou rare. Ici, le regard d'une pro qui lâche prise. Là, le sourire ravagé de cette femme ayant bu ces chattes jusqu'à la lie. Là, la rage de cet homme exultant sa hargne sur ce cul diaboliquement pervers. Ou encore ce grand trou noir se dilatant plus que de coutume, comme s'il nous parlait, comme s'il nous demandait de sombrer, comme s'il nous demandait de venir voir l'indicible, l'invisible. La lueur si particulière de l'abandon total. Regarder ces queues dévastatrices soumettre toutes ces femmes consentantes. Triper devant l'image animée d'une blonde toute minuscule sodomisant sauvagement cet homme aux muscles fins. Devant les regards d'autres femmes qui se lèchent, Babel ou Sodome, cités des outrages aux dieux jaloux, agapes mythologiques des demi dieux et semi reines foutrageant en tout lieu ou en tout temps, prétendants d'Hélène baisant les servantes libre de leur esclavage, hommes et femmes inconnus caressant de leurs regards votre corps s'offrant à leurs usages.

 Je vois des corps et vous les voyez. J'en vois cent, mille feuille humain, monstre sexuel où les bouches s'emmêlent se fondent dans les sexes qui se donnent au pal là par dizaine s'insinuant dans tous les orifices libres, étouffant les cris, serrant les gorges, frappant les chairs sans retenue du plat de la main, de leurs queues giflant les joues des communiantes pour obtenir la confession de leurs péchés. Femmes putassières, sophistiquées, ingénues, dominantes ou à soumettre, à acheter pour presque rien ou à offrir contre d'autres plaisirs. Il est des cents qui se comptent par millions tellement toute femme ou tout homme croisé pourrait être au menu de l'instant.

 Cent, comme les quatre cent culs, cent voleurs de corps, cent nuits de sueurs sous toutes ces peaux qui pourraient vous être offertes, prêtées, louées ou vendues. Cent comme la marque du début de l'infini des plaisirs prodigués. Voilà comment vous pourriez vous abandonner au centième, ou durant les dix précédents ou les dix suivants. Sous les mots d'un inconnu, sous la présence complice de tous ceux et celles qui vous ont donné l'orgasme, sous les coups de boutoirs des centaines de queues que vous prendrez encore lorsqu'elles viendront, sous les centaines de mains salvatrices et savantes qui choisiront de vous éperonner ou de vous soulager, de vous caresser doucement comme on offre tendrement ou de vous violenter méchamment juste pour satisfaire le caprice d'autrui et, par delà, vos propres lubies. Des mots qui s'offrent à vous pour vous percuter et souffler à votre sexe ruisselant que fontaine il doit être, que torrent sans contrainte il sera longtemps, des mots pour revêtir vos rêves lorsque tiraillées par l'envie cents visages connus ou anonymes se mettent à faire de votre corps une marionnette écartant les lèvres sur commande et laissant choir le râle de vos plaisirs par instinct pour sonner l'écho de vos jouissances.

  • J'aime beaucoup aussi, l'abondance des images, partouze virtuelle où tout coule et exulte..
    Clin d’œil à Evan...merci à Léo Noël pour le partage...

    · Il y a presque 12 ans ·
    D9c7802e0eae80da795440eabd05ae17

    lyselotte

  • oui, c'est à foison, étourdissant, merci pour le partage.

    · Il y a presque 12 ans ·
    B3

    janteloven-stephane-joye

  • Il y a du Süskind dans cette écriture. J'adore parce que c'est sans concession, c'est honnêtement cru, c'est stylisé sans faire de mal au réel. Bravo

    · Il y a presque 12 ans ·
    Rat3 54

    Léo Noël

  • Je partage l'avis de Bleuterre. On ressent le trop, la fin, l'aboutissement à en vomir, l'abandon total, le trop plein pour arriver au vide. L'aboutissement d'une quête qui laisse un paysage dévasté, une terre brulée.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Une écriture de haut vol, frénétique, parfaitement maîtrisée.
    J'attendais une autre fin, une chute au sens propre, une morale même perverse.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Bosch bulle fleur400

    hermanoide

  • Ben, oui, c'est le goût du trop. Finalement c'est bien, ça calme. Déjà que c'était pas ma préférence, le cul sans le cœur et surtout sans la tête, là c'est mort pour un moment... Bleuterre t'as décidé de me finir ce soir :)))
    En revanche, quand même, si on parlait un peu de cette très belle écriture qui sert magnifiquement cet inventaire de 100 ratons laveurs ;) A vos p'tits cœurs M'sieur Dame, à vos p'tits cœurs.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Gants rouge gruauu 465

    eaven

  • J'aurais du mal à dire ce qu'est un univers pasolinien ou non. Mais le sentiment de ta lecture correspond à ce que j'ai cherché à traduire. Le trop plein jusqu'à l'irrémédiable dégoût, le trop qui dégueule, qui innonde, le trop que l'on cherche, le trop jusqu'à l'effacement.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Mont m zenc 465

    iciailleurs

  • Ici ailleurs, ça foisonne de partout, j'en ai presque la nausée, il y a ce goût du trop, de l'overdose... qui appelle l'envie du vide, du non mouvement, de la sortie du temps... très pasolinien... comme univers... je partage...

    · Il y a presque 12 ans ·
    120x140 image01 droides 92

    bleuterre

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