Bonne nouvelle

Une main de bon matin s'est décidée à se poser sur une feuille de papier :

« C'est vrai que je fuis, c'est vrai que je te fuis, c'est vrai que j'ai peur et quand je suis près de toi, il m'est impossible à me dire, à te dire, ce qui ne tourne pas rond pour moi. J'ai passé tellement d'années à me taire, à me presser, tout le temps, me laissant déborder dans mes passions, dans mes ivresses pour éviter la détresse. Je vis avec un cœur froid. C'est mon choix. Pour ne pas avoir à souffrir comme d'autres autour de moi. Je ne veux pas me faire toucher par qui que ce soit, du moins par des sentiments.  Je ne me pose pas de questions, je prends le plaisir comme il vient, point.

Mais voilà, tu reviens encore une fois dans ma vie. Le charme s'était rompu et voici qu'il opère de nouveau, plus grand, plus fort, plus solide. Mes pensées sont sans cesse vers toi. J'ai beau les refouler. C'est troublant… Tu es là, en moi, ton sourire toujours près du mien et je ne sais plus où j'en suis… Si ce n'est que tu me manques, tu me manques tout le temps.

Pardonne-moi encore pour mon retard, pardonne-moi encore pour mon absence, mon abandon. Mais maintenant, je n'ai plus envie de vivre ainsi, de me réduire, de me nuire, de me cacher, de te cacher que je t'aime, oui je t'aime. Je ne sais pas trop l'écrire, je ne sais pas trop le dire mais c'est toi que je désire, pas seulement pour les soupirs. C'est toi que je veux, c'est toi que j'attends depuis si longtemps. J'ai tellement envie de te serrer dans mes bras… Je ne rêve que de toi… Vite, vite…»

La lettre a été soigneusement cachetée et rapidement postée avant la levée.

Demain, mardi, quand elle ouvrira sa boîte aux lettres, Estelle sortira sûrement de son repli.

Elle pourra lire enfin un changement, un vrai début de changement dans sa vie.

Une bonne nouvelle, une bonne idée aussi d'avoir elle-même prescrit ce pli.

Mettre un terme définitivement à cet homme silencieux qui froisse sourdement et déchire aveuglément sa page de vie.