ça empire
Guillaume Allardi
Ça empire. C’est partout. Ça s’est immiscé partout. Ça a fini par avoir un pied, une main, sa sale patte partout. Ça s’est fait peu à peu on n’a pas vu venir, petit à petit, à petit feu, tout s’est retrouvé pris. Tout le monde. Et ça empire encore on croit que ça va s’arrêter à chaque fois on se dit quand même non ce n’est pas possible. Pas ça. Pas jusque là. Et si. Ça aussi. Et lui. Pas lui quand même. Ce n’est pas possible. Il était si. C’était le dernier, le vrai. Et ben lui aussi. Tous. Et ça empire encore. C’est pire que tout ce qu’on avait imaginer. On avait imaginé le pire, au cas où, pour se tenir prêt. On s’était préparé, mentalement, à affronter le pire, en l’imaginant. Et bien c’est pire que ça. Pire que tout ce qu’on pouvait imaginer. Et le pire reste à venir. C’est ça le pire. On ne l’attendait plus. Il arrive toujours en retard, le pire. Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse. Rien. Tout ce qu’on peut faire c’est le voir venir, s’asseoir et regarder courageusement, scientifiquement, religieusement le pire nous arriver dessus. Le regarder venir et s’émerveiller de sa faculté d’improvisation infinie, de la manière dont il nous surprend à chaque fois, en arrivant à être pire encore que ce qu’il a été. C’est un spectacle. Grandiose. C’est notre dernier rôle. Un rôle de spectateur. On attend la fin. Le pire a-t-il un but ? On dirait qu’il cherche quelque chose. Il est comme une pensée, comme quelqu’un qui a une pensée bandée vers quelque chose, on dirait qu’il a un plan. Que tout se déroule comme il l’entend. Ses affaires marchent bien, il peut se réjouir. Il veille au grain. On dirait qu’il se réjouit, qu’il se réjouit et qu’il se détend, qu’il prend de l’assurance, qu’il se permet chaque jour, un nouveau truc fou, un truc impensable, qu’il éclate de rire à la pensée de ce qu’il va faire demain et à ce qu’il pourra se réserver pour plus tard, quand on ne s’y attendra plus. Tout va dans son sens. Tout ce qui arrive de nouveau, maintenant, va dans ce sens. Enfin ce sens. Ça n’a pas de sens en réalité ce n’est pas tout à fait un sens enfin c’est un sens, en un sens, dans le sens où ça coule comme du sens, ça semble s’écouler comme du sens, n’importe quel sens, comme une rivière, un torrent. Mais quand on regarde bien ça n’a pas de sens. Parce que personne ne le pense, en réalité, personne ne pense comme ça. On ne peut pas penser comme ça, sinon c’est qu’on ne pense pas. Ce n’est pas une pensée. Comme si on avait le temps de penser. On a pas le temps de penser, c’est ça le pire, on fait semblant de penser mais en fait on prend ce sens, ce non sens qui vient à contresens, et on s’organise pour ne pas qu’il nous emporte. Et on voit que s’organiser pour ne pas qu’il nous emporte c’est encore aller dans son sens. Qui n’a pas de sens. C’est ça le pire. Alors ça empire, forcément. Pourtant un monde meilleur est possible, on peut concevoir un monde meilleur, et imaginer les moyens d’y parvenir. On pourrait vivre dans un monde meilleur, et laisser à nos enfants les moyens de laisser à leurs enfants un monde meilleur encore. Un monde meilleur. C’est possible. Nous savons et nous voyons qu’un monde meilleur est possible. C’est ça le pire.
le pire est une entité terrifiante ! Et elle se trouve capturée dans ces mots-là, c'est une source à sursauts ! Cà donne envie de lire d'autres textes ! Merci kô et guillaume .
· Il y a environ 14 ans ·theoreme
Écriture serré qui emporte vers le meilleur du pire... ;)
· Il y a environ 14 ans ·interlude
Obsessionnel, compact, très bon. Avec un peu plus de longueur ça méritait de gagner le prix obsession, dont le jury m'a vraiment scotché avec son choix bizarre. Mais je dérive, super texte, super 'jet'.
· Il y a environ 14 ans ·oco
Une chape de plomb avec un texte compact de pensées courtes, obsessionnelles qui ne trouvent pas d'issue. AU SECOURS !!!
· Il y a environ 14 ans ·luciole
...comme on dirait aux indiens, aux enfants, tout ça n'est pas serieux, couchez vous maintenant...( étienne Roda-Gil )
· Il y a environ 14 ans ·gandalf989
Excellent!
· Il y a environ 14 ans ·pseudo
pour le meilleur ... et pour le pire .
· Il y a environ 14 ans ·Joelle Eymery
Que le nombre de tes textes empire, c'est là tout ce que je souhaite ! Un grand bravo. Merci Kô pour le partage ; je m'en vais lire "je marche".
· Il y a environ 14 ans ·raudry
Comme j'ai entendu ta voix dire "je marche", je t'entendais dire ce cri que je partage. Merci.
· Il y a environ 14 ans ·brigitte--2
Elle a raison Christine. J'aurais dû écrire Dame Grammaire. Pardon. La vieille Dame Grammaire, la grincheuse qui nous casse les pieds. Oui, j'aime ce texte libéré d'entraves.
· Il y a environ 14 ans ·bibine-poivron
l'empire est avenir
· Il y a environ 14 ans ·Eric LÖw
Un délice,
· Il y a environ 14 ans ·Merci Kô pour le partage,
J'ai eu l'impression de retrouver les bons mots de Monsieur Devos ... il était là ... un instant ...
archangelia
Meilleur texte sur le Pire.Merci Kô.
· Il y a environ 14 ans ·Marcel Alalof
Théâtral, donc superbe : Bravo
· Il y a environ 14 ans ·.
Merci Kô pour ce joli partage.
· Il y a environ 14 ans ·bibine-poivron
La bonne ponctuation. La phrase complète sujet/verbe/complément... Et ne surtout pas faire de pléonasme non plus et là Guillaume, tu nous démontres que non seulement ça ne choque pas mais qu'en outre, cela donne de la force à ton texte. Bravo. J'aime cette écriture libre d'aller où elle veut.
· Il y a environ 14 ans ·bibine-poivron
J'aime beaucoup cette répétition inlassable du même mot et cela me rappelle des règles de français à l'école. Quand on nous expliquait qu'il ne fallait surtout pas écrire de la sorte et que nous étions bloqués dans le cadre de Dame Linguistique dicté par nos profs de français.
· Il y a environ 14 ans ·bibine-poivron
Après avoir regardé ta prestation de "Je marche", je t'attendais, Guillaume. Merci d'être revenu
· Il y a environ 14 ans ·ko0