Caillasse bleue

J'habite une planète de bleu et de sang. Un caillou à facettes de mondes et de temps où fôrets et bétons montrent toujours les dents. Je crèche sur une croûte à idoles qui chaque jour un peu plus dégringole.
J'y dors quand certains y sommeillent d'une balle. Je ris quand des milliers crient, j'embrasse mes enfants quand d'autres en exploitent. Je marche ici cheveux au vent quand là-bas des crânes se font raser. Une survie sur une boule folle aux macabres farandoles. Un étrange lieu ou certains sauvent quand d'autres effacent. Une place ou l'on tue la femme à la caillasse, une rue ou l'on viole à trente trois une fleur au sexe encore étroit.
J'habite un territoire où l'on tue pour vendre, où l'on vend pour tuer. Un univers à paillettes, une malsaine fête foraine. Un pays aux coeurs aveuglés d'écrans plats, peuplé d'animaux à la parole sans plus de sens. Une terre ridée de frontières, pour une bête qui n'en à guère.
L'enfer n'est pas l'autre, l'enfer c'est nous autres.
Viennent des larmes de là-haut qui caracolent sur celles de mes yeux en rigoles. Pavés, trottoirs, néons, fumée.
Lumières, effrayer la noirceur. Couleurs, masquer l'horreur. Parfums, couvrir la souffrance.
Alors je ne marche plus, je danse.
Alors je ne parle plus, je chante.
Maux qui hurlent leurs mots, voix de loup, tête dans le caniveau. Coeur de lune qui s'effrite en dune. Grain de sable aux quatre vents, grain de silice insignifiant. Poussière de guerre, poussière de sang, poussière de haine, poussière de je t'aime. Je tombe dans le néant du refuge des pauvres, le sommeil. Ce lieu aux tourments absents si difficile à trouver par moment. J'y plonge dans le vide d'une humanité perdue, demain sur l'autre jour sera peut-être inscrit le mot amour.