C'est ma fille, je suis sa mère...

C'est ma fille, je suis sa mère, je l'aime pour toujours...

Il est des phrases, comme ça que quelqu'un d'autre écrit, que l'on pourrait répéter douze mille fois par jours,  et que l'on entendra jamais. 

Elle avait déjà un fils, une paire de couilles  à vénérer. Alors bien sur, avec sa petite fente ridicule et dodue, elle ne faisait pas le poids. Il lui ressemblait, et pas elle. C’est elle qui l'a faite, mais c’est lui ( son père.  NDLR) qui l'a voulu, et ça change tout. Alors elle l'a nourri, lavé, changé, comme toutes les génitrices.

Fallait juste qu' elle ne prenne pas trop d’espace, et pour son plus grand bonheur il est vrai que la nature l'a un peu aidé. Elle toujours été grande et mince (oui je sais, merci pour elle!). Elle fait partie de la catégorie des maigrichonnes elle, des "pas épaisses". Alors elle se faufilait et se planquait plus facilement. Elle a fait avec, où plutôt sans!  Elle n' en a rien à foutre d’ailleurs,  et elle pense que c’est ça qui la gène le plus. Adolescente elle a commencé à ressentir cette impression un peu bizarre de ne pas imprégner la pellicule, de n'être pas tangible. Pas vraiment matérialisée. pas importante. 
Une question pourtant la tourmente un petit peu.  Y a t'il un décret supérieur qui nous oblige à aimer nos mères?    Ou est ce une certitude  sans conséquence, du fait que tant de gens la partage?  Elle se promène aux quatre coins de sa mémoire. Elle regarde et  fait l'inventaire.  Elle se  demande si ses certitudes ne sont pas que des intuitions. Parce que parfois elles sont à l'opposé des autres. Elle a  du déformer les faits. Elle doit arranger les souvenirs en sa faveur, parce que sinon ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible qu'il y est un tel abîme de perception du passé. On ne doit pas refaire  l'histoire et elle ne la refait pas. Mais elle était là quand même!  Elle l'a vécu bordel elle aussi!   Comment peut on déformer autant la véracité des souvenirs. Leur intensité.

Elle aurait préféré cent fois qu'elle le dise, qu'elle n'en avait rien à foutre d'elle. Tout aurait été beaucoup plus simple, plus facile, plus clair surtout.  Mais ses regards détournés, son désintérêt qu'elle est la seule à ne pas avoir remarqué, sa façon de faire demi tour quand elle lui parle, toutes ses espérances vouées à l'échec, ce léger scintillement qu'elle a cherché,  pendant si longtemps,  jusqu'à l'extrémité de la fatigue, jusqu'au renoncement. Elle en bouger de l'air, presque jusqu'à s'envoler.  Et rien. Elle ne devait pas être très douée. C'est sûrement ça. C'est un peu bien fait pour elle aussi! Quand on rentre dans la vie sans y être invité, il faut s'attendre à se faire foutre dehors!

C'est normal! 

Elle attend! 

Enfin je crois.

C'est sa fille. Elle est sa mère. Elle ne l'a jamais vraiment aimé....

Merci à celle qui a écrit la phrase d'introduction à ce texte. Elle se reconnaîtra...:)