Conte thérapeutique : Pour Emmanuelle qui ne connaissait pas la joie de vivre

sylvie-frey

Ce conte psychologique et thérapeutique a été spécifiquement écrit pour traiter un mal-être dont souffait ma patiente. Il a agi sur son inconscient en levant un blocage, permettant ainsi un mieux-être :

Il était une fois une petite otarie qui vivait dans un zoo. C'était un zoo si grand qu'on avait l'impression d'y vivre en liberté. Il était aménagé à l'image du monde extérieur. avec des écoles, des magasins, des maisons et toute une organisation sociale.

A l'école, les petits des animaux apprenaient très tôt un métier et la règle était généralement de poursuivre l'activité des parents.

La petite otarie adorait l'école et c'était une élève très appliquée. En plus des cours de langue, de diététique et de savoir-vivre, elle apprenait à jongler comme toutes les otaries de sa famille et ses amies. Elle apprenait à recevoir de jolies balles de couleur sur son nez et à les renvoyer.

Elle s'entraînait aussi à ramper sur le sol glissant en suivant le rythme de la musique. Elle apprenait à pousser sa coéquipière dans l'eau du bassin pour faire rire les enfants aux éclats. Elle apprenait même à monter sur un escabeau et à passer au travers d'un cerceau. Le plus difficile était de se tenir bien droite et d'applaudir avec ses petites nageoires. Mais ce qu'elle aimait plus que tout, c'était d'attraper les poissons argentés que lui lançait à la volée son beau partenaire. Toutes les aspirations de cette petite otarie étaient tournées vers le jour où elle pourrait enfin atteindre le sommet de son art et entrer comme une grande sur la piste du cirque.

C'était le destin vers lequel tout convergeait à la préparer mais c'était aussi son plus grand désir. Elle ne vivait que dans cet espoir et attendait avec impatience ce grand jour. Cependant, malgré cette vie bien remplie de petite otarie, elle n'était pas vraiment heureuse. Elle se sentait mal à l'aise, sans pouvoir en exprimer la raison.

Ses amies les girafes, elles, semblaient si heureuses de brouter les feuilles des arbres. Les flamands s'envolaient joyeusement en magnifiques nuées roses. Les singes passaient leur temps à se faire des blagues et les lions se réjouissaient d'effrayer les antilopes en baîllant à pleine gueule. Même les rhinocéros placides s'ébattaient gaiement avec les éléphanteaux.

Plus le temps passait et plus la petite otarie se demandait pourquoi elle ne parvenait pas à être heureuse.

Son ami le phoque lui répètait souvent : " Tu as tout pour être heureuse, tu apprends un bon métier, tu es douée pour l'exercer et dans peu de temps, tu seras consacrée. Qu'est-ce que tu pourrais souhaiter de mieux ? "

Un matin, alors que la petite otarie se réveillait une fois de plus morose, elle eut comme une illumination en observant les petits singes jouer à la balle. Ils semblaient prendre tellement de plaisir avec cette balle qu'elle se mit à réfléchir sur son propre comportement. Certes, elle s'appliquait à exécuter toutes les tâches qu'on lui enseignait et en particulier  jouer à la balle mais ça ne lui procurait pas le plaisir que semblaient ressentir les petits singes.

C'était pour elle comme un devoir et elle était trop tendue par l'inquiétude de ne pas être capable d'entrer un jour en piste et par l'obsession de bien faire pour prendre plaisir à ses exercices.

Ce fut comme une révélation pour elle. A compter de ce jour, elle n'eut plus la même façon de travailler à l'école. Elle découvrit, au-delà de l'exercice, le plaisir de jouer à la balle. Elle comprit que ce n'était pas parce qu'on la destinait à ce métier qu'elle devait délaisser tout ce qui n'y était pas lié. Il ne fallait pas travailler d'arrache-pied à la réalisation de ce projet en laissant filer les autres joies de la vie. En peu de mots, elle découvrit que son destin était entre ses mains à elle et qu'il lui appartenait de profiter du présent et de ses petits bonheurs plutôt que de rêver à un grand bonheur futur et insaisissable.

Ce fut le premier jour de sa nouvelle existence. On la vit rire de tout et de rien, des facéties des singes et de ses difficultés à applaudir au rythme de la musique. On la vit s'entraîner le sourire aux lèvres, ivre du plaisir de progresser.

Et on la vit même un jour, nimbée de perles d'eau, jaillir sur la piste du cirque, sous les regard émerveillés des enfants et les applaudissements frénétiques de tous.

Et tout en se disant que c'était alors le plus beau jour de sa vie, elle souriait intérieurement car elle avait compris que chaque jour pouvait être le plus beau jour de sa vie.

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