De la question digestive du cumul des mandats

Mathieu Jaegert

Moi aussi je suis contre le cumul des mandats, farouchement contre, particulièrement en ces temps de fêtes. Non pas que la politique m’intéresse, bien au contraire. D’ailleurs, en ce moment, j’opterais bien pour la politique de l’autruche, mais c’est sans compter sur l’activité débordante du Député Gourdeau. Jean-Luc Gourdeau est mon propriétaire. Lui aussi est contre le cumul. C’est en tout cas ce qu’il affirme au premier micro tendu dans ce sens et à tous les organes qui le pressent. Je ne le crois pas une seconde. Obligé de l’accompagner dans la moindre de ses escapades, force est de constater que son point de vue est tout autre en aparté.

Ce soir-là encore, même si la réponse coule de source, je me demande ce que je fais là, à écouter la succession des élus à la tribune, munis de leurs discours convenus, réchauffés de l’an passé mais à peine tièdes. Face à eux, l’assemblée lasse d’emblée patiente depuis déjà trop longtemps. Les regards des membres de l’assistance partagent un désintérêt évident, identique à celui de l’année dernière. Pourtant, dans chaque œil fatigué se reflète la lueur d’espoir que constitue le buffet joliment agrémenté. En coulisses, les toasts gratinés pour le gratin présent attendent les accolades de rigueur, en compagnie de canapés nappés d’hypocrisie et de biscuits fourrés de mauvaise foi.

A la tribune, Gourdeau savoure, l’exercice des vœux lui plaît. La concision n’est pas son fort et la conclusion tarde mais je lui fais sentir que les revendications des estomacs ont depuis longtemps pris le dessus. Bientôt, les personnalités vont se lever, la poigne acérée et entraînée à serrer d’autres poignes aguerries à ce type de gymnastique saisonnière. Je sens le coup fourré. Une fois de plus, j’y aurai droit. Alors je me renfrogne, je me recroqueville pour amortir le choc, pour tenter d’absorber et d’encaisser indifféremment ce ras-le-bol récurrent, ce trop-plein difficilement acceptable. Il y a un an, Gourdeau avait annoncé à sa femme qu’il briguerait la Mairie. Je ne l’ai encore pas digéré. Je me prépare donc au pire. Alors même que je pense qu’il en a terminé, il prononce ces paroles fatales :

« J’ai répondu favorablement à l’invitation du Président à prendre la place laissée vacante par Françis Dole. Ce n’est pas un mandat électif et cela ne saurait donc remettre en cause ma volonté de lutter contre le cumul ».

Voilà, je le sentais. L’ulcère me guette. Il est gonflé, pas autant que moi sûrement, mais c’est culoté quand-même !

Personnellement, en tant qu’unique estomac de Gourdeau, je n’en ai rien à faire de la nuance. Après tout, cumul des mandats rime avec cumul des excès.

Les apéritifs, pots et autres buffets, ils sont électifs peut-être ? Non, en la matière, pas de discrimination, des petits fours il y en a partout, tout le temps. Je suis au bord de la crise de nerfs, et mon pote le foie n’en mène pas large non plus. Va falloir se serrer les coudes et monter au front.

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