Dick 7

La journée de mon retour de taule s'est écoulée comme une merde. J'ai pas répondu quand elle m'a menacé de partir, rejoindre François, le preux chevalier à la monture de fer teutonne.

Je suis allé faire un tour, quand je suis rentré, elle s'était fait les ongles et des pâtes. J'ai fini la casserole, comme un chien et je suis parti au salon regarder « Des chiffres et des lettres »

Comment va-t-on retourner en arrière ?  Cette phrase me tournait en boucle dans la tête.

Au bout d'une semaine, on a refait l'amour, au milieu de la nuit. Dans le noir, comme des cons. Elle, sans doute pour ne pas me voir et penser à François. Moi, pour ne pas chialer en regardant son regard tourné vers l'intérieur. J'étais quand même soulagé, je me suis dit qu'il y avait encore un truc à sauver. 

Il fallait que je me recharge en thune. Ça urgeait. Mais pas question d'aller détrousser le micheton. Je lui ai demandé ce que je pouvais fourguer en priorité, elle a répondu « Je m'en fiche, je ne tiens à rien. » La claque. Elle était détachée, elle se foutait même des souvenirs, de ses rires d'enfants gâtée quand je rapportais la camelote, comme un toutou la ba-balle à sa maîtresse, la queue en l'air et les dents découvertes par un sourire de satisfaction et de fièreté.

Le lendemain elle a disparu l'après-midi entier, à vingt heures elle s'est re-pointée, les yeux rougis et l'odeur de sexe comme une trainée derrière elle. J'ai pigé que c'était mal barré. J'avais mal partout et ça-me-faisait-chier. Je ne supportais pas cette machine à creuser les tunnels qui avançait dans mon bide, dans mon crâne, sans faire une seule pause. Toute la journée, la nuit, sans relâche, elle me démolissait.

On est restés encore trois mois, comme ça, en chiens de Fayence. Elle se tirait des heures entières et je fermais ma gueule. Je la baisais autant que je pouvais, avec tout mon cœur, toutes mes tripes. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre, c'est ce que je fais le mieux. Je me disais qu'à un moment, elle allait finir par ressentir que c'était pas mon sperme que je lui donnais, mais ma cervelle, bousillée, mixée, réduite en bouillie pour les chats. Ah, putain, je fais des jeux de mots à la con sans le vouloir.

J'avais totalement arrêté les casses. J'en étais même à regarder les petites annonces sur France-Soir et je suis même descendu plus bas : je me suis inscrit à l'ANPE. Prêt à faire n'importe quoi. Surtout n'importe quoi, vu l'invisibilité de mes diplômes et mes références non monnayables. Je me disais que je pourrais peut-être intéresser un mec pas trop regardant, ayant besoin d'un p'tit gars démerde. Parce que franchement mon arrestation, c'était pas de la négligence, mais de la putain de malchance.

Au mois de juillet, j'ai voulu l'emmener en vacances à Capri. J'avais réservé dans un hôtel luxueux, perché sur les falaises, un souvenir de la splendeur européenne de la ville. Une belle suite avec une gigantesque terrasse  suspendue sur la mer. Elle a dit oui, bonne idée et elle s'est cassée aux toilettes.

Le lendemain quand je suis rentré du pointage, elle s'était barrée. Elle n'avait rien pris, quand j'ai eu fini de fouiller et de tout foutre en l'air, aveuglé par ces putains de larmes qui coulaient sans que je n'y puisse rien, j'ai compris qu'elle s'était habillée avec les seules fringues qui lui appartenaient avant qu'on ne vive ensemble. Plus tard, sous la bouteille de whisky, comme une seconde mandale, j'ai trouvé un mot : «Tu me fais peur. »