Et tu me laisseras

luz-and-melancholy

Le temps se suspend

À tes lèvres murmurantes,

Pour regarder autour de nous

Le rideau qui se referme

Sur nos nuits frêles et vacillantes

Déjà ;

Et moi, entre les murs jaunis,

Implorant, en silence,

J'aimerais que tes épaules et ton coeur

Me portent une dernière fois

Dans un ultime soupir de désir et de tendresse.

Soudain, l'obscurité s'abat sur la scène

Où nous échangions nos maladroits baisers,

T'en souviens-tu ?

Ces petits baisers s'envolant désormais au vent ;

C'est là, distancée de toi dans la pénombre qui m'englobe

Dans le vide ouaté, et nébuleux, et galactique

Que je me blottis

En espérant trouver, peut-être, la chaleur de ton corps parti ;

Je bois le miel que nous partagions,

Pour réaliser enfin que

Je n'ai vécu que dans la crainte,

Et celle de te voir

Et celle de te perdre 

Et celle de t'aimer, toujours et sans remède

Au fil du temps qui coule et roule sur notre âge.

Voilà que soudain se déprennent

De ma langoureuse apoplexie

Les notes blanches et peu amènes

Ramenant ta mélancolie.

Le printemps meurt,

Et avec ses restes parfumés je t'envoie mes derniers vers,

Tiens,

Mes derniers vers,

Tiens, 

Je ne t'écrirai plus,

Tiens,

Mon chagrin,

Je te le donne aussi,

Ah que j'aimerais !

Mais tu l'as oublié ici,

Et il en est assez de la peine, 

Assez de voir courir toujours la même rengaine.

Le rideau est molletonné, et fermé à présent,

Refermé sur mes peines endolories et béantes,

Chaud encore de souvenirs,

Et si poussiéreux déjà ;

Les comédiens ont quitté le théâtre

Et le coeur lourd sous le poids ardent de mon indéfectible chagrin,

J'observe mon théâtre s'ensevelir 

De lui-même,

Doucement, 

Sans crainte, 

Presque léger.

Une brume surgit,

Vaporeuse elle nous recouvre ;

Vois-tu, c'est encore toi que j'imagine

Dans l'écho qui me répond, et les ombres qui me tourmentent

Sont les doubles obsédants de ta silhouette fuyant

Le lieu-même où tu m'as laissée.


Ce n'est pas toi cette présence tapie dans le noir,

Et pourtant, 

Je la vois, 

Je l'entends,

Je sens sur moi sa pénétrante transparence,

Nul doute, c'est bien elle qui est là ;

Pas ton fantôme, 

Pas la nuit hivernale,

Pas l'époque qui passe,

Lasse ;

Elle se présente tel un simulacre, et je la salue en pleurant,

Et elle est enchantée, tu vois, de poser ici son trône ;

Elle est là et moi je m'en vais,

Criant le manque, chantant ma plainte,

En la portant sur le dos de nos amours polaires,

Dans la nuit cendrée et désolée,

Ô Solitude.

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