Il est des murs
selig-teloif
L’endroit est un peu spartiate. La couleur unie et insipide y fait beaucoup. Un vert pâle tirant sur un vert anis ayant tout perdu de sa folie. J’avais appris, lors de mon service militaire, que le vert est une couleur qui fait du bien à l’âme, rassurante, un bain de quiétude. C’est pourquoi on la retrouvait sur la ferraille à l'intérieur des chars, des véhicules blindés de combat. C’est également très souvent une couleur d’hôpital.
Je ne sais pas si c’est la couleur qui agrandit mais j’imaginais cet endroit plus petit, plus étroit, plus confiné. Ce n’est certes pas une chambre de palace mais un optimisme fugace accompagne mon entrée, je me dis que j’aurai tout le temps de voir se rapprocher les murs.
A gauche, un premier lit rudimentaire, sur lequel attendait un matelas d’une épaisseur tartinesque semblant ne fournir comme unique confort que l’atténuation des ressorts du sommier, fait face à une table en Formica gris et une chaise de même confection. J’aperçois juste à ma droite, à l’entrée, une étagère de bois, dans le même gris que la table. Tout au fond, caché par une courte paroi, je distingue l’essentiel de toilette, juste sous la fenêtre.
Je respire un grand coup comme pour emplir le plus vite possible, fataliste, mes poumons de cet air pas encore familier. Je sens une odeur de javel. Cette odeur qui cache des odeurs que l’on veut faire disparaître, faire du neuf avec du vécu.
Nous y sommes alors. Cet endroit me ressemble tellement, cette platitude architecturale, ces couleurs sans pigment, ce parfum industriel. Je me retourne au moment où la porte se referme, la clef qui tourne dans le canon et qui condamne une fois de plus. Je n’ai pas entendu ce qu’aurait pu me dire le gardien.
J’avance de quelques pas, pose mes quelques affaires sur le lit et m’approche de la fenêtre. Je compte six barreaux, 4 à 5 cm de diamètre. Six barreaux, six années. Je ne semble pas avoir encore de co-détenu, puisque le matelas du second lit est toujours replié. C’est bien d’avoir le choix du lit. J’essaye celui de droite. Celui de gauche.
Je me mets à pleurer.
J'aime les murs de mots que tu ériges. Merci Selig
· Il y a plus de 13 ans ·raudry
ça fait froid dans le dos !!!
· Il y a plus de 13 ans ·giuglietta
je déteste le vert.. mais j'aime ton écriture. ;-)
· Il y a plus de 13 ans ·thelma
un' nid vert... ces murs, ces barreaux et cet homme unis vers...(sensation de claustrophobie qui me remonte là)
· Il y a plus de 13 ans ·interlude
C'est tellement bien écrit que ça fait mal.
· Il y a plus de 13 ans ·brigitte--2
Le monde carcéral est vraiment un univers à part ...
· Il y a plus de 13 ans ·archangelia
Merci à toutes et tous ...
· Il y a plus de 13 ans ·Baboulalla, je suis allé lire Regarde et ce poème est très fort et une excellente continuité de mon texte, ou départ ... merci
selig-teloif
Comme une entrée sur le néant
· Il y a plus de 13 ans ·luciole
L'esthétique de l'écriture nous permet d'être le détenu lui même, de vivre ses sensations à l'extrême, l'auteur s'efface derrière son héros, bravo
· Il y a plus de 13 ans ·mlpla
Très juste !
· Il y a plus de 13 ans ·selig-teloif
Vue sur l'amer.
· Il y a plus de 13 ans ·Marcel Alalof
Le débat est lancé !
· Il y a plus de 13 ans ·selig-teloif
Merci Kô !
· Il y a plus de 13 ans ·selig-teloif
Moi aussi je vais me mettre à pleurer... Tu es très fort Selig
· Il y a plus de 13 ans ·ko0