Imprévu à cette adresse

loinducoeur

Sortir de chez toi parce que c'est fini, je ne m'y attendais pas... et toi non plus !

"Bertrand, j'en ai marre de tout ça ! De ton incapacité chronique à me dire ce que tu veux faire, ce que tu attends de moi... tu comprends ?"

Comme je reste interdit, cherchant vainement un truc à dire qui puisse encore nous éviter une chute mortelle, Anne continue : "c'est chiant tu vois ! tu es là comme un chien battu alors que tu devrais me rassurer, me dire que demain ça ira mieux... mais non ! rien ! tu ne peux jamais me parler de demain... tu ne vois rien et moi j'ai peur de ça !" 

Prends ça mon gars ! C'est clair et pourtant ça m'embrouille la tête au point que j'entendrais presque mes neurones s'entrechoquer dans une panique générale. 

"Tu sais bien que je ne crois pas aux prévisions. Je n'y peux rien. Pour moi la vie mérite d'être vécue pour ce qu'elle nous réserve d'imprévu..." Oh merde ! je n'ai pas osé dire ça ? si ! le mec qui avoue sa faiblesse, histoire de ramollir l'atmosphère ! Je regarde Anne sortir de la cuisine d'un haussement d'épaule qui ne présage rien de bon et y revenir en deux pas brusques qui claquent sur le carrelage avant de se planter devant mon regard perdu. Là, à un mètre cinquante, dans le pur respect d'une ligne devenu mur infranchissable ce matin, elle va me mettre en pièces... 

"Ah oui ! Tu ne crois en rien donc ? Même pas en nous ? A quoi bon venir chez moi pour le week-end si tu ne sais pas si tu veux y rester la semaine qui suit ? Tu attends quoi ? On baise, on bouffe des sushis, on rebaise et on voit si ça recommence lundi, c'est ça ? Putain, tu me dégoutes tiens !"

Ok. C'est le moment de réagir je pense. Mais la porte de sortie me fait un signe et ma lâcheté semble avoir mis un garrot à mon reste de cerveau. La fuite s'annonce ! Elle est là toute proche et je ne crois pas devoir lui résister...

"Hé bien, si c'est ce que tu penses de moi, je crois qu'il vaut mieux que je parte. Non ?..." Le silence approbateur qui suit me parait aussi violent qu'un faire-part noirci par la nuit. 

"Oui ! Ne reste pas là comme un gamin apeuré. Casse-toi !" m'assène Anne, avant de tourner la tête vers la fenêtre, comme touchée par une envie de s'envoler loin de moi. 

Ca fait deux heures que je repasse le film de ce matin dans ma tête. Les dialogues, les échanges de regard, le ton de sa voix à chaque mot haché par la colère, tout est encore frais dans ma mémoire. C'est là, bien présent, et pourtant je ne peux y croire. Pourquoi n'ai-je rien vu venir ? Il me semble qu'on était bien ensemble. Tu vois hier encore j'aurai parié que c'était parti pour durer, cette histoire entre nous. Et puis ce matin, Anne m'a demandé, sa peau douce et chaude collée sur la mienne, "tu veux bien t'installer chez moi maintenant ?"... 

J'aimerai bien changer la fin de l'histoire. Mais je n'y arrive pas et les passants n'ont que faire de mes larmes imbéciles.

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